Deux artisans québécois, le créateur de costumes Mario Davignon et le coiffeur styliste Félix Larivière, font partie de l’équipe derrière l’esthétique des personnages du film historique Midway, qui prend l’affiche vendredi. La Presse les a rencontrés pour mieux comprendre leur travail, réalisé dans l’ombre, mais qui brille à l’écran, ramenant à la vie les années 40.

Les deux Québécois n’en sont pas à leurs premières armes sur les plateaux de tournage d’ici et d’ailleurs. Actif dans le milieu depuis la fin des années 70, Mario Davignon s’est taillé une réputation enviable avec son œil aguerri, son perfectionnisme et son souci d’authenticité ; de son côté, Félix Larivière travaille sur les plateaux de tournage américains depuis plus de 20 ans comme coiffeur styliste.

On a notamment pu admirer le travail de M. Davignon dans plusieurs films historiques — le genre qu’il préfère, de loin, admet-il — comme Hochelaga, terre des âmes de François Girard et 15 février 1839 de Pierre Falardeau. Il a habillé Charlize Theron dans Head in the Clouds, qui lui a valu le Génie des meilleurs costumes en 2005, et a conçu les costumes pour le film Tideland et la minisérie Les piliers de la terre, inspirée de l’œuvre de Ken Follett, entre autres.

Depuis quelques années, j’essaie de ne faire que des costumes d’époque, pour moi, c’est ce qui est intéressant. Je suis un passionné du passé !

Mario Davignon

Le parcours de Félix Larivière est aussi impressionnant, avec une vingtaine de productions hollywoodiennes à son actif, comme la trilogie X-Men, Mother, Pet Sematary et Mirror Mirror. Sur Midway, il était à la tête du service (head of department) de la coiffure, et il a travaillé de très près avec le réalisateur Roland Emmerich et toute l’équipe de production, tout comme M. Davignon, ainsi que de nombreux artisans québécois qui étaient derrière cette production d’envergure, notamment pour la conception du maquillage.

Car lorsqu’un film raconte des événements historiques avec des personnes qui ont réellement existé, comme c’est le cas dans Midway, qui relate la bataille marquante du même nom qui a eu lieu en 1942, aucun détail ne peut être laissé au hasard.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Vêtus de leur costume d’époque, des acteurs du film prennent une pause durant le tournage réalisé aux Studios MELS, à Montréal.

« Les cheveux, comme les costumes, deviennent très importants. C’est ça qui fait qu’au bout du compte, on va pouvoir voyager dans une époque en regardant un film », constate Félix Larivière, que La Presse avait pu suivre en novembre 2018, l’espace de quelques heures, sur le plateau de tournage du film aux Studios MELS, à Montréal.

Le diable est dans les détails

Il y a des tonnes de détails dans Midway. Autant le coiffeur que le créateur de costumes ont fait un important travail de recherche en amont, à partir de photos d’archives, afin de s’assurer que les coiffures et habits des personnages — des militaires américains et japonais, mais aussi des civils américains, des geishas ou des combattants de la guérilla chinoise — étaient conformes à l’époque.

La ligne directrice était de s’approcher le plus possible de ce que les gens « normaux » avaient l’air à l’époque. « On voulait des photos réelles, du vrai stock qui date de la guerre. Les vraies années 40, pas le glamour à la Hollywood ! », lance le coiffeur styliste. 

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

De nombreuses photos d’archives ont servi d’inspiration pour imaginer les coiffures et les costumes.

Une grosse partie du travail de Mario Davignon a concerné les habits des militaires américains, omniprésents, évidemment, dans l’histoire. « On ne peut pas redessiner les uniformes de l’armée ou de la marine américaines. Par contre, j’ai pu les revisiter, car ce que je trouvais en location ne correspondait pas aux uniformes portés en 1941 ou 1942, comme la pointe de la chemise, par exemple, qui était plus longue à l’époque. On a pu faire faire plusieurs costumes afin d’apporter une véracité. C’était important pour moi que ce soit précis. Je suis un peu maniaque ! »

Le défi a ensuite été de personnaliser les costumes portés par chaque comédien, afin de leur donner un caractère, alors qu’on sait que les gens de l’armée ou de la marine américaines devaient adopter un code vestimentaire très strict. « Tout est vraiment dans les petits détails, ça demande beaucoup de minutie. On a aussi pris des libertés, en trichant un peu : même si avec l’armée, il faut toujours que les habits soient impeccables, avec le réalisateur, au contraire, on a joué beaucoup sur la patine, pour salir, vieillir, froisser les vêtements. Pour moi, ça ajoute beaucoup de crédibilité », explique M. Davignon.

PHOTO FOURNIE PAR ELEVATION PICTURES

Aaron Eckhart dans Midway

Pour les vêtements des civils, comme ceux de l’actrice Mandy Moore, M. Davignon a tenté de trouver le plus possible de vrais vêtements d’époque.

Mais Mandy Moore est très grande, et peu de femmes l’étaient à cette époque. Là, mon rêve s’est écroulé !

Mario Davignon

Mais le créateur de costumes ne s’est pas laissé décourager pour autant, et en trouvant des tissus d’époque, il a pu refaire des modèles inspirés des coupes en vogue alors. Des coupes de la fin des années 30, et non des années 40. « C’est monsieur et madame Tout-le-Monde, pas des cartes de mode, donc il est normal que leurs vêtements datent de quelques années. On sent la taille haute, la longueur, la finesse et la délicatesse des détails… »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Des produits utilisés par Félix Larivière pour des looks le plus près possible de ceux affichés dans les années 40.

Du côté de la coiffure, Félix Larivière et son équipe ont utilisé d’anciennes techniques pour arriver à un résultat plus authentique sur les acteurs et quelque 900 figurants — lame de rasoir pour une peau rasée de près chaque jour pour ces messieurs, mise en plis aux rouleaux pour ces dames — et reproduire le plus fidèlement possible ce qui était de mise à l’époque.

« Rien n’était négligé ni laissé au hasard ; tout était propre. On oublie les barbes, les cheveux longs, les favoris ! Comme c’était en période de guerre, les femmes n’avaient pas d’argent, alors on voit des restes de permanente dans les pointes et l’utilisation des peignes pour remonter les cheveux et donner du volume. »