Dans Vivre à 100 milles à l’heure, nouveau film de Louis Bélanger, des adolescents insouciants versent dans la petite criminalité pour la simple et mauvaise raison qu’ils veulent devenir adultes trop vite. Entrevue avec le réalisateur.

Le genre « coming of age » semble être la plus récente tendance lourde au cinéma québécois, fait-on remarquer à Louis Bélanger. Et lorsqu’on commence à lui énumérer quelques titres, il nous interrompt gentiment.

« Je vais m’inscrire en faux contre ça, lance-t-il. Je ne critique pas les autres, mais, quand on nous parle d’adolescence, on dépeint souvent des jeunes avec les hormones dans le tapis et cherchant à tout prix à avoir leur premier rapport sexuel. Ou encore, on fait le portrait de jeunes victimes de bullying dans une école. Tu regardes mon film et il n’est absolument pas question de cela. »

Il est vrai que ce nouveau long métrage du réalisateur de Gaz Bar Blues et Les mauvaises herbes va voir ailleurs. Bien sûr, comme dans tout film d’adolescents qui se respecte, une partie de l’histoire se passe à l’école. Bien sûr, les jeunes sont agités, bagarreurs, écoutent de la musique avec le volume dans le tapis et flirtent un peu.

Mais ce qui caractérise les trois personnages principaux que sont Louis, Dan et Éric est un désir immodéré et très, très empressé de vivre la vie d’adultes. Ils y parviennent, mais, pour cela, ils empruntent un sentier miné, celui de la vente de drogue.

Bien sûr qu’à l’adolescence, je voulais avoir une première blonde. Mais c’était bien plus l’envie de vivre l’aventure, d’être un grand, qui m’obnubilait. Mes amis et moi avions une urgence de vivre assez forte. Mes modèles étaient davantage Keith Richards et Lou Reed que les Bee Gees.

Louis Bélanger

Le cinéaste ne fait pas de mystère sur le fait que le personnage de Louis (Rémi Goulet) est autobiographique, tout en ajoutant avoir puisé dans les faits de l’époque et inventé ce qui était nécessaire pour créer un arc dramatique.

Comme l’histoire se situe essentiellement à Québec entre la deuxième partie des années 70 et la première des années 80, elle nous ramène au contexte de Gaz Bar Blues, œuvre phare dans la filmographie de Bélanger. « J’ai voulu repartir sur les traces de mes souvenirs », concède ce dernier.

Un personnage, trois acteurs

Voilà donc Louis (Goulet), Dan (Antoine L’Écuyer) et Éric (Félix-Antoine Cantin), qui grandissent ensemble. À l’école secondaire, polyvalente dont l’architecte est le même que celui de la prison d’Orsainville, ironise le personnage central (aussi narrateur), ils font leurs dents avec la vente de drogues douces.

Le temps passe. L’argent coule à flots. Grisés, nos trois lascars bonifient leur offre. Ils passent à la vente de drogues dures et agrandissent leur territoire. Jusqu’au jour où tout dérape et que chacun prend un chemin différent.

Toute cette période est charnière. Tu as le choix entre mal finir ou bien tourner. Je ne dis pas que j’ai bien tourné, mais il y avait tout un potentiel dramatique à raconter ces choses-là.

Louis Bélanger

Comme son histoire s’étend de la fin de l’enfance au début de la vie adulte, il lui a fallu travailler avec des trios de jeunes pour incarner les personnages. Un exercice qui a donné quelques sueurs au réalisateur.

« Mon travail était de garder le continuum des personnages, précise-t-il. C’est sûr que j’ai assis mes acteurs dans la même pièce et que je leur ai donné certaines directions : mets toujours ta main dans la poche de ton jeans de cette façon, mâche ta gomme de cette manière, passe la main dans tes cheveux ainsi, répète tel patois, etc. »

Il fallait aussi trouver des acteurs au look semblable. Coiffures, costumes et maquillages ont fait le reste. « En regardant les jeunes les uns à côté des autres durant les essais, j’ai compris que j’étais prêt à aller sur le plateau », dit M. Bélanger.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Rémi Goulet interprète Louis dans Vivre à 100 milles à l’heure.

Comme le film est autobiographique, le scénariste et réalisateur devait trouver un comédien principal lui ressemblant. Son choix s’est arrêté sur Rémi Goulet, vu dans Les pee-wee 3D, Junior majeur et Répertoire des villes disparues.

« Durant le tournage, j’ai rencontré des gens qui connaissent Louis depuis qu’il est jeune et tous m’ont dit à quel point je lui ressemble, note Rémi Goulet. Cette ressemblance était telle que pour des scènes se déroulant dans ma chambre, nous avons utilisé des photos de Louis à mon âge. »

Ce n’est pas la première fois que Goulet incarne un jeune flirtant avec la petite délinquance. Mais ce nouveau personnage est différent.

« Les autres étaient plus torturés, croit-il. Louis ne l’est pas. Il n’a pas conscience de faire quelque chose de mal. Il veut juste avoir du fun. Il aime ça, être un bum. Mais aussitôt qu’il se rend compte que ses actions ont des conséquences, il se dit qu’il n’a pas signé pour ça. »

Une autre jeunesse

Louis Bélanger croit que la jeunesse d’aujourd’hui n’est pas la même que celle du film. « Parce qu’il y a les réseaux sociaux, réfléchit-il. Et je pense qu’on était plus épais. Les jeunes d’aujourd’hui gèrent d’autres enjeux que les nôtres. »

« La mentalité est très différente de celle d’aujourd’hui », opine Rémi Goulet en donnant l’exemple de ces enfants faisant du ski bottine en s’accrochant au pare-choc arrière d’une voiture.

« Quand j’étais jeune, ailleurs, c’était loin en maudit, continue Louis Bélanger. Quand tu voulais savoir ce qui se passait sur la planète, tu devais aller chercher Le monde diplomatique et le Courrier international. Aujourd’hui, on est à un clic de ça. »

Après un court moment, il nous fait une révélation qui en dit long sur sa perception de son époque et celle de sa fille, qui a aujourd’hui 20 ans.

« J’ai attendu qu’elle soit grande pour faire ce film, lance le cinéaste. C’est une histoire un peu rock’n’roll et je ne voulais pas trop égratigner mon image de figure paternelle en lui révélant ce qu’a été mon adolescence. »

Avec la sortie de Vivre à 100 miles à l’heure, ce sera chose faite !

Le film prend l’affiche vendredi prochain.