Il avait déjà fait son entrée dans Justice League, mais Aquaman a aujourd'hui droit à un film bien à lui. Le réalisateur James Wan a mis trois ans à créer un monde sous-marin évoquant la mythologie d'Atlantis et la guerre féroce que se livrent deux mondes opposés. La Presse a pu s'entretenir avec le réalisateur de cette superproduction.

Il est grand, arbore des cheveux longs bruns, a le teint basané, et il est musclé comme s'il sortait tout droit de l'univers de la WWE, l'empire de la lutte spectacle. Le nouvel Aquaman, campé par Jason Momoa, ne ressemble en rien au blondinet roi d'Atlantis aux yeux bleus qu'ont créé Paul Norris et Mort Weisinger pour DC Comics en 1941. Et c'est tant mieux, au dire du réalisateur James Wan.

«Je ne voulais pas que ce film ressemble à un film de superhéros classique, a expliqué le cinéaste au cours d'un entretien accordé à La Presse. Jason [Momoa] et moi étions à même de bien comprendre la dimension biculturelle du personnage, étant donné que, comme Aquaman, aussi bien Jason que moi sommes le résultat de deux mondes complètement différents, pratiquement ignorants de l'existence de l'un et de l'autre.»

Croisement de deux mondes

Ayant la faculté de survivre dans les deux mondes, Arthur Curry, futur roi d'Atlantis, peut en effet unir les peuples de la terre et de la mer. Jason Momoa, à demi polynésien, est né à Hawaii, mais il a grandi en Iowa. Quant à James Wan, il a passé les six premières années de sa vie en Malaisie, puis a émigré avec sa famille à Perth, en Australie. C'est d'ailleurs dans le pays de Cate Blanchett que le tout premier contact entre le réalisateur et le cinéma s'est établi.

«Ma mère est une très grande amatrice de cinéma, de films d'horreur en particulier, rappelle James Wan. Le tout premier film que j'ai vu dans ma vie dans une salle avec elle est Blanche-Neige, ce qui est tout à fait dans la norme. Mais le long métrage qu'elle m'a emmené voir tout de suite après est Poltergeist! Ça situe. Je crois que j'avais 7 ans et ce film m'a terrifié. J'ai eu peur des poupées et des clowns pendant très longtemps!»

Malgré ses craintes enfantines, le futur cinéaste a été «contaminé» par le cinéma de genre dès ce bas âge. À 11 ans, James Wan prend conscience que les films qu'il aime tant ne sont pas fabriqués par magie, mais bien par des artisans. Il lit alors tous les ouvrages qui lui tombent sous la main, qui pourraient peut-être lui apprendre ce qu'est le cinéma. À Melbourne, il s'inscrit dans une école où tous les métiers de nature artistique sont enseignés.

Un chef de file

En 2004, Saw, un premier long métrage tourné avec un budget d'à peine un peu plus de 1 million de dollars, lui donne instantanément un statut enviable dans le milieu du cinéma d'horreur. Dead Silence, Insidious, The Conjuring font ensuite de lui l'un des chefs de file du genre. Sa bonne réputation est établie au point où Universal lui confie alors la réalisation du film d'action Furious Seven, septième volet de la populaire franchise Fast and Furious. Il y a trois ans, Warner Bros. lui a donné les clés de l'univers d'Aquaman, un personnage issu de l'écurie DC Comics.

«Je crois que la principale raison pour laquelle les gens de Warner Bros. et DC Comics ont pensé à moi est The Conjuring, un film aussi produit par WB. J'étais déjà sur leur écran radar.»

«Je leur ai dit que je pouvais peut-être m'occuper de l'un de leurs personnages et Aquaman est déjà une icône auprès des amateurs de bandes dessinées, poursuit-il. On savait tous qu'il aurait droit à un traitement cinématographique un jour. Son arrivée sur grand écran n'était plus qu'une question de temps.»

Une vision très concrète

Même si la tâche qui l'attendait était colossale, James Wan n'a pas hésité une seule seconde quand la proposition lui a finalement été faite. «Seulement une poignée d'entre nous a la bonne fortune d'avoir accès au club sélect des cinéastes qui réalisent des films de superhéros, fait-il valoir. Je voulais faire un film de guerre, un film d'action et de science-fiction, et j'avais le sentiment qu'Aquaman allait me permettre d'aborder tous ces genres à la fois. Cela dit, ce n'est vraiment pas évident à tourner!»

À vrai dire, James Wan préfère de loin l'étape de la préparation d'un film, alors qu'avec plusieurs équipes d'artisans, il peut concevoir les décors, imaginer l'allure des personnages, leurs costumes, bref, fantasmer son oeuvre.

«Dès le départ, j'avais déjà une idée assez précise de ce que je voulais voir à l'écran et de la direction que l'histoire devait prendre, explique le cinéaste. J'avais un but à atteindre et des équipes d'artistes incroyables m'ont permis de réaliser cette vision. Créer ce monde incroyable avec eux a été l'étape la plus stimulante du projet. Cela dit, le tournage peut être très éprouvant. Et frustrant. En fait, il est plus amusant de concevoir ce genre de film que de le tourner. Il faut exécuter correctement tout ce qu'on a planifié en préproduction et les échéances ajoutent à la pression. Mais quand on atteint le fil d'arrivée, quel bonheur!»

Des émotions bien humaines

Avec un film aussi lourd sur le plan logistique, James Wan devait aussi s'assurer que tous les acteurs - parmi lesquels plusieurs pointures - soient au diapason. Outre Jason Momoa, Aquaman met en vedette Nicole Kidman, Willem Dafoe, Amber Heard, Patrick Wilson, Dolph Lundgren et plusieurs autres.

«Ma principale préoccupation est de bien connaître tous les personnages et leurs parcours respectifs afin de pouvoir bien en parler aux acteurs. C'est ce que je fais sur tous mes plateaux. Après, mis à part les chorégraphies et les déplacements, le reste leur appartient. À mes yeux, il était important que l'histoire d'Aquaman soit ancrée dans des émotions très humaines. Pourtant, je n'aurais peut-être pas dit ça au début de ma carrière!»

Ils ont dit

Jason Momoa - Aquaman

«La première fois que j'ai enfilé le costume d'Aquaman constitue un beau souvenir, a déclaré Jason Momoa lors d'une conférence de presse tenue à New York. Et je ne l'ai même jamais raconté à James Wan [le réalisateur]. J'ai essayé le costume, il n'y avait pas de miroir, je suis sorti de la loge et là, j'ai vu son visage. James est quelqu'un d'extrêmement passionné et il te fait savoir tout de suite ce qu'il pense. Mais là, il rayonnait d'une joie absolue. Il ressemblait à un enfant. Il était super fier et il n'avait pas besoin de rien dire, car on pouvait tout lire sur son visage. J'ai aussi appris que j'étais le premier comédien métissé à jouer un superhéros. Vraiment ? En 2018 ? J'en suis super honoré!»

Amber Heard - Mera

Ayant aussi fait son entrée dans Justice League, Mera est dotée de pouvoirs encore supérieurs à ceux d'Aquaman. Pour Amber Heard, son interprète, cette héroïne s'inscrit tout à fait dans l'air du temps, dans la mesure où le parcours de ce personnage féminin n'est pas du tout tributaire de celui de son partenaire masculin. «Je crois que cette superproduction était encore plus gigantesque que les autres, a lancé l'actrice. Plusieurs équipes étaient en fonction simultanément. Parfois, j'allais à la tente de la cantine et je pouvais voir là quatre ou cinq versions de moi-même! J'ai travaillé fort, mais je ne peux assez remercier l'équipe de cascadeurs. Et je crois n'avoir jamais été aussi habillée sur un plateau. C'est lui [Jason Momoa] qui était torse nu tout le temps!»

Patrick Wilson - le Roi Orm

Il est le demi-frère rival d'Aquaman, celui qui trône actuellement sur Atlantis. «Je crois n'avoir encore jamais vu un film où autant d'éléments ont été faits après le tournage, à l'étape de la postproduction. C'est comme si le film existait seulement dans la tête de James [Wan, le réalisateur] au moment où nous l'avons tourné. Sur le plan physique, ce fut sans contredit le tournage le plus difficile auquel j'ai participé. Le plus dur est de donner la réplique avec naturel alors que tu es attaché, harnaché, suspendu dans le vide et qu'on te balance d'un côté et de l'autre ! Même les équipes de cascadeurs, déjà rompus aux films de superhéros, nous ont dit que ce film arpentait des territoires inédits!»

Aquaman prendra l'affiche le 21 décembre.

Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros. Pictures.