Mary Poppins Returns n'est pas un remake de Mary Poppins. Il s'agit plutôt d'une suite, dont l'intrigue est campée 25 ans après celle du film original, en pleine crise économique des années 30. Les sachant atteints par cette épreuve, particulièrement Michael Banks, maintenant adulte et père de famille, la célèbre gouvernante décide de revenir dans la vie de ceux dont elle s'est occupée jadis afin d'y mettre son grain de sel. Réalisé par Rob Marshall (Chicago, Into the Woods) Mary Poppins Returns met en vedette Emily Blunt.

Si quelqu'un doit le faire...

Ce projet de suite a longtemps circulé dans les officines du studio Disney, mais il a pris forme une fois que Rob Marshall, le maître contemporain des comédies musicales, a pris les choses en main. «Il est notoire que les droits sont difficiles à obtenir de la part des ayants droit de l'auteure P.L. Travers, mais quand la porte s'est ouverte un peu, on m'a sondé, car mon intérêt était déjà connu, indique Rob Marshall au cours d'un entretien accordé à La Presse. Quand tout se concrétise, tu te sens immédiatement intimidé par la tâche, car il faut être à la hauteur de l'un des films les plus aimés de l'histoire du cinéma, et qui, en plus, est l'un de mes grands favoris à vie. C'est la raison pour laquelle je me suis finalement dit que si quelqu'un devait le faire, il valait mieux que ce soit moi!»

Emily Blunt, le seul choix

Dans l'esprit de Rob Marshall, seule Emily Blunt pouvait incarner Mary Poppins avec la même grâce que Julie Andrews à l'époque. «À part toi, personne sur cette planète n'aurait pu jouer ce rôle», a d'ailleurs lancé le réalisateur à l'actrice lors d'une conférence de presse tenue la semaine dernière à Los Angeles. Emily Blunt se rappelle très bien l'appel. «Quand on s'est parlé, Rob a emprunté un ton cérémonieux pour me dire qu'il avait fouillé dans les archives de Disney et que le personnage qu'il avait trouvé pour moi était... Mary Poppins! J'en ai eu le souffle coupé, vraiment. Je n'oublierai jamais ce moment d'exaltation et d'appréhension extrême.»

«Personne ne souhaite voir une imitation de mauvaise qualité de Julie Andrews. Parce qu'à part elle, personne n'est Julie Andrews! Mais je savais qu'avec Rob, j'allais être en bonnes mains», affirme Emily Blunt.

Julie Andrews, in absentia

Au tout début de la préparation du film, la possibilité d'offrir une participation à celle qui a immortalisé le personnage il y a 54 ans a rapidement été évoquée, d'autant plus que Rob Marshall a travaillé avec Julie Andrews en 1995 en signant la mise en scène de Victor/Victoria à Broadway, une adaptation du film qu'avait réalisé Blake Edwards. Mais l'actrice, aujourd'hui âgée de 83 ans, a écarté l'idée tout de suite. «Julie adore Emily, explique Rob Marshall. Quand je lui ai annoncé qu'Emily allait reprendre le rôle, Julie était absolument ravie. Nous avons évidemment songé à lui écrire une participation, mais elle a refusé parce qu'à ses yeux, le personnage appartenait désormais à Emily et elle ne voulait pas que sa présence devienne une distraction. J'ai bien reconnu là sa nature généreuse.»

Mais Dick Van Dyke est là!

Dans le film original, Dick Van Dyke incarnait Bert, l'attachant homme-orchestre et ramoneur, mais aussi le très vieux M. Dawes Sr, directeur de la banque où travaille M. Banks. À la faveur d'une courte participation, le fantaisiste, aujourd'hui âgé de 92 ans, se glisse cette fois dans la peau de M. Dawes Jr. «Quand M. Van Dyke est venu tourner, nous avions tous l'impression que c'était magique, raconte Rob Marshall. En se rendant sur le plateau, il a pris ma main et m'a dit quelque chose que je n'oublierai jamais. Il a confié qu'il ressentait exactement le même sentiment que lors du tournage du premier film. À un moment donné, il a eu du mal à dire une réplique tellement il était gagné par l'émotion. Emily a dû dire: "Coupez!" parce que moi, j'étais incapable de le faire, je pleurais trop!»

Lin-Manuel Miranda

L'ami de Mary Poppins dans le film original était ramoneur, mais dans cette suite, il est allumeur de réverbères. À l'instar de Bert, Jack est un homme de la rue qui accompagne Mary Poppins et les enfants dans leurs fantaisies. Lin-Manuel Miranda, l'homme derrière la comédie musicale Hamilton, a été choisi pour incarner le personnage. Il s'agit de son premier grand rôle au cinéma. «Je me souviens d'avoir assisté à la toute première séance de Chicago au Ziegfeld Theatre à New York. C'est le plus grand film musical moderne de notre époque. Et il a été réalisé par Rob Marshall. Honnêtement, je ne peux le remercier assez d'avoir vu en moi cette capacité de trouver mon enfant intérieur, au moment où je jouais un rôle très dramatique dans Hamilton

Un hommage au premier film

Au chapitre des effets visuels, la technologie n'a plus rien à voir avec celle d'il y a plus de 50 ans. Or, Rob Marshall a tenu à respecter l'esprit du film original sur ce plan aussi. «Il était très important pour moi de préserver cet esprit classique, a confié Rob Marshall à La Presse. J'aime laisser la place à l'artisanat et à l'aspect plus artistique. Je ne dis pas qu'on ne peut pas atteindre ce niveau avec les effets numériques, mais je tenais à ce que, dans ce cas-ci, les effets visuels soient au service du récit. Et pas le contraire. Comme toutes les scènes où il y a de l'animation ont été dessinées à la main, l'étape de la postproduction a requis beaucoup plus de temps que d'habitude!»

Une comédie musicale originale

On prête habituellement à Rob Marshall la renaissance de la comédie musicale sur grand écran grâce au succès de Chicago, sacré meilleur film aux Oscars en 2003. Or, les rares films de comédie musicale sont généralement des adaptations de spectacles déjà existants. Mary Poppins Returns est une comédie musicale entièrement originale, avec une histoire inédite et des chansons nouvelles. La tâche a été confiée au compositeur Marc Shaiman et au parolier Scott Wittman, qui ont notamment signé Hairspray. «Nous sommes retournés aux livres de P.L. Travers, a indiqué Scott Wittman. Je crois que ce fut d'ailleurs la partie la plus enthousiasmante. Avec l'équipe, nous avons passé des mois à éplucher tous les bouquins. Sur le plan créatif, ç'a été la période la plus excitante de ma vie!»

Mary Poppins est une icône

À quoi tient la réputation de Mary Poppins? Et comment a-t-elle fait pour marquer autant de générations? «Cela tient à son côté mystérieux, analyse Rob Marshall. On ne sait pas grand-chose d'elle. Il y a aussi chez elle cette rigueur, voire cette âpreté, mais sous cette façade, on découvre l'esprit d'une enfant. Il est formidable de travailler pareil personnage, car Mary a l'esprit d'aventure et elle peut entraîner les enfants dans son monde en les aidant à découvrir des choses à propos d'eux-mêmes. Après, elle peut pourtant nier que ce soit arrivé! J'adore les contradictions d'un personnage aussi riche. Emily Blunt a cette capacité de moduler toutes les nuances à la perfection!»

L'obsession de Ben Whishaw

L'acteur britannique Ben Whishaw incarne Michael, le petit garçon du premier film, maintenant devenu adulte. L'interprète de Q dans les films de James Bond a révélé entretenir un lien particulier avec Mary Poppins. «En fait, j'étais obsédé par ce film quand j'étais enfant, a-t-il déclaré en conférence de presse. Il s'agit du premier film que j'ai vu dans ma vie et je l'ai regardé de façon obsessive pendant un bon moment. Je me déguisais même en Mary Poppins et je paradais comme ça dans mon village! J'étais très ému au tournage parce que tu ne t'attends pas à revisiter ton enfance de cette façon une fois adulte.» Précisons que Karen Dotrice, interprète original de Jane, soeur de Michael, gratifie le film de sa présence, le temps d'une participation. Matthew Garber, premier interprète du petit Michael, n'est déjà plus de ce monde.

Trois ans de travail

De l'écriture à l'exécution, il aura fallu trois ans de travail à Rob Marshall pour mener Mary Poppins Returns à bon port. «Je savais que je pourrais protéger le film original, et même si on allait créer une histoire complètement nouvelle, j'ai voulu emprunter une approche très respectueuse, sur le plan du ton et des émotions. Je me suis utilisé moi-même comme baromètre, à vrai dire. Qu'est-ce que j'aimerais voir dans une suite à titre d'admirateur ? Assurément une scène dans laquelle les personnages évoluent dans un décor d'animation. Je voudrais voir un gros numéro de production, avec une chorégraphie athlétique. Je voudrais aussi voir Cherry Tree Lane avec la courbe. En fait, j'ai voulu retrouver tout que nous aimons dans le film original. J'ai travaillé plus fort pour Mary Poppins Returns que pour tous les autres films que j'ai faits auparavant. J'avais l'impression de faire trois films en même temps!»

Mary Poppins Returns (Le retour de Mary Poppins en version française) prendra l'affiche le 19 décembre.

Les frais de voyage ont été payés par Disney Pictures.