Rien ne prédisposait cette inconnue d'origine italienne à incarner un jour à l'écran celle qui fut l'une des plus grandes icônes de la variété française. Aujourd'hui, Sveva Alviti estime pourtant qu'il y a un «avant» et un «après» Dalida. Tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie de femme...

Trente ans après sa mort par suicide, à l'âge de 54 ans, la chanteuse Dalida reste l'une des vedettes les plus présentes dans l'imaginaire collectif francophone. Un peu comme Joe Dassin ou Claude François, l'interprète de Gigi l'amoroso n'a pratiquement jamais quitté les ondes radiophoniques. Chez nous, ses nombreux tubes sont aussi mis en valeur depuis des années dans les soirées nostalgie de style C'est extra.

Personne ne s'étonnera qu'avec un destin aussi riche, marqué tant par les tragédies que par les triomphes, un projet de biopic ait été mis sur pied.

Réalisé par Lisa Azuelos (LOL, Une rencontre), Dalida met en vedette une imposante distribution (Riccardo Scarmacio, Jean-Paul Rouve, Nicolas Duvauchelle, Niels Schneider, Vincent Perez et Patrick Timsit en font partie), gravitant autour d'une star dont le destin fut dessiné essentiellement par les rencontres amoureuses ou professionnelles avec des hommes. Parfois les deux.

Comme un coup de foudre

Pour aller de l'avant - le projet était sur la table depuis des années -, il fallait évidemment trouver la comédienne qui pourrait se glisser dans la peau de la diva de façon crédible.

«Un casting, c'est comme un coup de foudre», précise la réalisatrice Lisa Azuelos.

L'éclair fut pourtant long à venir. Il a pris les traits de Sveva Alviti, ancienne joueuse de tennis professionnelle qui, à l'âge de 17 ans, a quitté sa Rome natale pour s'installer à New York et gagner sa vie comme mannequin.

De passage à Montréal plus tôt cette semaine, l'actrice racontait qu'au départ, elle ne comprenait pas l'insistance de son agente quand est arrivée une invitation à passer une audition.

«Je ne voyais pas pourquoi je devais me rendre à Rome pour faire un essai en vue d'un rôle que je ne pouvais pas faire de toute façon, explique la comédienne dans un français mâtiné du plus bel accent italien. Je ne chante pas, je ne danse pas et je ne parlais pas un mot de français à l'époque. J'ai fini par concéder un essai que j'ai enregistré sur mon iPhone en me disant qu'il était impossible qu'ils me rappellent.»

«Ils» ont pourtant rappelé. Souvent. Ils lui ont même demandé de venir à Paris. Sans trop y croire, Sveva Alviti a préparé Je suis malade, la chanson de Serge Lama que Dalida avait aussi mise à son répertoire, avec grand succès.

«J'ai choisi cette chanson parce que je la sentais en moi, fait remarquer l'actrice. Je l'ai interprétée pour moi, sans penser au rôle. Quand j'ai commencé à chanter, tout s'est alors entremêlé. La fin de la chanson a été accueillie par un grand silence. Lisa s'est approchée et j'ai bien vu qu'elle était aussi émue. Je l'ai regardée droit dans les yeux et je lui ai dit: "Je suis Dalida." Elle m'a répondu: "Je sais."» 

Un travail intense

À partir de ce jour, un travail intense, qui a duré neuf mois, a commencé. En plus des cours de chant et de danse se sont ajoutés des cours intensifs de français, à raison de six heures par jour.

«Je connaissais un peu les chansons de Dalida grâce à mes parents, mais pas du tout son histoire. Pour moi, le vrai déclic s'est fait quand j'ai vu sur YouTube une interview que Dalida a accordée à Arnaud Desjardins, spécialiste des religions. Il y avait dans les propos de Dalida de l'ouverture, beaucoup d'humilité et de fragilité face à sa quête d'amour. Je l'ai alors comprise. Je l'ai trouvée en moi, d'une certaine façon. C'est ce qui m'a permis de la jouer de l'intérieur, sans tomber dans l'imitation.»

Lisa Azuelos, fille de Marie Laforêt (une chanteuse extrêmement populaire dans les années 60 et 70, aussi comédienne à ses heures), a tenu à construire son scénario en prenant pour point de départ la première tentative de suicide de Dalida. «Elle a deux vies différentes, en fait, explique-t-elle. Jusqu'à sa première tentative, Dalida menait une vie très normale. Après, sa vie s'est transformée comme s'il s'agissait d'une sorte d'entre-deux.»

«On a souvent vu des cas d'artistes qui s'autodétruisent - pensons à Amy Winehouse -, mais dans le cas de Dalida, il est particulièrement troublant de constater à quel point le destin s'est acharné sur elle.»

Bruno Gigliotti, dit Orlando, veille ardemment sur l'héritage qu'a laissé sa soeur Iolanda, dite Dalida. Il a notamment eu droit d'approbation sur le scénario, ainsi que sur le choix de l'actrice qui incarnerait sa soeur et de l'acteur qui l'incarnerait, lui (Riccardo Scarmarcio). 

«Orlando n'avait aucun droit de regard sur le reste, précise la réalisatrice. De toute façon, je ne peux pas travailler sans être libre. Cela dit, je souhaitais quand même que le film lui plaise ! Pour Sveva, il a fallu refaire des essais pour le convaincre. Aujourd'hui, il dit qu'elle est comme sa petite soeur. Pour Riccardo, il n'y a eu aucun problème. Il le trouvait tellement beau!»

Vie privée, vie publique

D'inconnue qu'elle était il y a trois mois à peine, Sveva Alviti a reçu plusieurs propositions depuis la sortie du film, tant en France qu'en Italie.

«Mais je préfère prendre mon temps, dit-elle. Quand on sort d'un film comme celui-là, c'est un peu difficile de trouver quelque chose qu'on a envie de jouer. Ce rôle a eu un impact dans ma vie d'actrice, mais aussi dans ma vie de femme. J'ai compris beaucoup de choses de la vie à travers ce film. La quête de Dalida ressemble d'ailleurs à celle de bien des femmes d'aujourd'hui. On veut réussir tant sa vie personnelle que sa vie professionnelle. Le drame de Dalida est qu'elle n'a jamais pu avoir la vie de famille dont elle rêvait.»

Comme quoi le destin de celle qui chantait Je suis toutes les femmes à l'orée des années 80 a encore une forte résonance.

_______________________________________________________________________________

Dalida prendra l'affiche le 28 avril.

PHOTO NINON PEDNAULT, LA PRESSE

La réalisatrice Lisa Azuelos et l'actrice Sveva Alviti.