Il y a conteur et conteur. Et il y a Roy Conli. Maître en cet art. Le genre à vous décliner les jours de la semaine puis les mois de l'année comme s'il narrait le plus intense des suspenses. Et vous, fasciné, vous êtes scotché à ses lèvres. Sérieux.

Alors, imaginez le pouvoir de ce producteur vétéran de Disney (son nom apparaît au générique de The Hunchback of Notre Dame, de Hercules, de Tarzan, de Tangled et, plus récemment, de Big Hero 6) quand il aborde un sujet qui le passionne. Comme Born in China de Lu Chan, neuvième documentaire de DisneyNature, dont il est l'un des producteurs.

« Vous me parlez à moi, mais les véritables héros de ce film sont Lu Chan et les directeurs photo de chacune des cinq équipes envoyées là-bas », fait celui qui a été mandaté pour parler du long métrage aux médias, le réalisateur chinois jugeant manquer de fluidité en anglais.

« Moi, c'est mon français, pouffe-t-il. Je le parle comme Tarzan. » Et de brièvement relater son séjour à Paris, au moment de la production du film d'animation se déroulant à l'ombre des tours de Notre-Dame, en compagnie du bossu et d'Esmeralda.

Born in China, donc. Pas un documentaire, mais « de vraies aventures de vie » qui lèvent le voile sur trois « familles » d'espèces indigènes de Chine : des léopards des neiges, des pandas et des singes dorés à nez camus.

Les premiers vivent à plus de 5000 m au-dessus du niveau de la mer, sur les hauts plateaux du Qinghai. « Il fallait 10 jours à partir de Pékin pour s'y rendre, car les membres de l'équipe devaient prendre le temps de s'acclimater à l'altitude. Et une fois sur place, il fallait les trouver. Ce sont des animaux qui se confondent avec leur environnement. Nous étions au 90e jour de tournage et nous n'avions encore aucune image d'eux. Nous pensions devoir abandonner et choisir une autre espèce », se souvient Roy Conli.

Impitoyable

Ils avaient pourtant le directeur photo Shane Moore dans l'équipe. Un homme qui a passé sa vie à traquer les gros félins avec sa caméra. Son ingéniosité et son expérience ont finalement porté leurs fruits : « Nous avons maintenant plus d'images du léopard des neiges que n'importe qui d'autre. » Et ces images « racontent » une femelle prête à tous les sacrifices pour ses deux petits, qui grandissent dans l'un des environnements les plus impitoyables de la planète.

Problème différent du côté des pandas : « Ce sont des animaux solitaires. Pour s'approcher d'eux sans influer sur leur comportement, certains membres de l'équipe ont revêtu... des costumes les faisant ressembler à des pandas. »

Enfin, les singes dorés. « Ah ! Pour eux, c'était une tout autre histoire ! Ils voulaient faire bonne figure pour la caméra ! Ils veulent attirer l'attention », s'esclaffe le producteur.

Après 4 voyages et 253 jours de tournage étalés sur 6 saisons, plus de 400 heures de film étaient en boîte. À Lu Chuan, à partir de là, de raconter et d'entremêler les destins. Et de créer une histoire. À l'arrivée, elle fait 75 minutes. Chaque image soigneusement pesée, comparée, sélectionnée.

« En animation, puisque c'est ce que je connais, on part d'un scénario et on crée les images. Ici, c'était le processus inverse : nous avons "écrit" l'histoire à partir des images. »

Le producteur est conscient qu'avec ce type de matière, la tentation de l'anthropomorphisation est toujours présente. « Et difficile à éviter, mais notre but était de ne pas aller dans le "trop" », conclut-il.

Puis il se lance dans un ultime plaidoyer pour ces animaux, les léopards des neiges et pandas en particulier, puisqu'ils sont menacés d'extinction : « Une partie des profits réalisés au cours de la première semaine où le film prend l'affiche ira au World Wildlife Funds pour leur protection. Alors, dites à vos lecteurs d'y aller vite ! » Message passé. Ce conteur possède l'âme d'un général.

Born in China (Né en Chine) prend l'affiche le 21 avril.