Que feriez-vous si vous étiez coincé pour le reste de votre vie sur un paquebot de luxe? C'est la question philosophique derrière le film Passengers, dans lequel un homme et une femme, réveillés trop tôt lors d'un voyage d'une centaine d'années vers une autre planète, découvrent qu'ils devront vivre ensemble et mourir dans un vaisseau avant d'arriver à bon port. Et s'ils avaient été réveillés pour une bonne raison? La Presse en a discuté avec le réalisateur, Morten Tyldum.

Le réalisateur

Morten Tyldum a connu ses premiers succès dans son pays d'origine, la Norvège, notamment avec le film Headhunters en 2008. Il a été reconnu mondialement avec son premier film en anglais, The Imitation Game, qui racontait la vie du mathématicien Alan Turing (incarné par Benedict Cumberbatch) et qui a récolté huit sélections aux Oscars en 2014. Passengers est son premier film totalement américain, dont le scénario était réputé casse-gueule. 

Tyldum est un peu le Denis Villeneuve des Norvégiens en ce moment, et nous lui avons demandé s'il vivait la même chose que le réalisateur québécois, dont on suit avec fierté la carrière aux États-Unis et qui reçoit d'excellentes critiques pour son film Arrival. «Bien sûr, c'est génial d'être reconnu chez soi, dit Morten Tyldum. J'ai rencontré Denis à quelques reprises. C'est un merveilleux réalisateur, et une personne incroyablement gentille. Vous avez toutes les raisons d'être fiers de lui!»

Le couple

Jennifer Lawrence et Chris Pratt, deux des plus grandes stars actuelles, incarnent les personnages principaux de Passengers, Aurora et Jim. Elle est une écrivaine, passagère de première classe, qui veut écrire sur l'aventure de la colonisation d'une autre planète, tandis qu'il est un ouvrier, d'une classe inférieure. Ils n'auront que l'un et l'autre pour surmonter la solitude. 

Mais ce n'est pas parce qu'ils sont des vedettes que Tyldum les a choisis. «Ce sont avant tout de grands acteurs, des professionnels, pas de grandes vedettes. Je n'aurais pu être plus satisfait. Votre plus grande peur comme réalisateur, c'est que le courant ne passe pas entre les deux personnages principaux. J'ai vu que quelque chose arrivait lorsqu'ils étaient ensemble, ç'a cliqué dès le premier instant. Ils se soutenaient l'un l'autre, car c'était un tournage vraiment difficile, ils étaient devant la caméra à toutes les scènes, tous les jours. Et chaque scène exigeait des émotions extrêmes!»

Une science-fiction à échelle humaine

Passengers mêle des choses qu'on ne voit pas souvent ensemble dans un film de science-fiction: une histoire d'amour avant tout, de l'humour et de l'action. C'est d'ailleurs ce qui faisait hésiter les producteurs devant cette histoire, écrite par Jon Spaihts (Prometheus, Doctor Strange) en 2007. Il s'agit d'un huis clos psychologique, assez écrasant lorsqu'on se met à la place d'Aurora et de Jim, obligés d'être en tête à tête pour le reste de leur vie. «C'est vraiment difficile de définir le genre de ce film, note le réalisateur. C'est une histoire qui évolue, et qui surprend. J'ai toujours aimé les histoires où les personnages sont placés dans des situations extrêmes et doivent faire des choix extrêmes.»

Et, parce qu'il s'agit avant tout d'une histoire très humaine, l'équipe du film, avec Guy Hendrix Diaz (Inception) à la tête du design, a construit un immense plateau de tournage. Tyldum ne voulait pas que les acteurs travaillent trop devant des écrans, et souhaitait qu'ils soient vraiment immergés dans leur environnement. «Bien sûr, on peut faire beaucoup avec les ordinateurs, mais nous allions de plus en plus vers les vrais décors. Tous les immenses décors que vous voyez dans le film, nous les avons construits.»

Le vaisseau

S'il y a un troisième personnage dans ce huis clos, c'est bien l'époustouflant vaisseau spatial transportant l'équipage, nommé L'Avalon. Un étonnant amalgame d'espaces techniques et de bateau de croisière de luxe, avec des robots, des restaurants, un cinéma, une piscine... 

«Je pense que tous les réalisateurs rêvent de créer un vaisseau spatial, comme le Faucon Millenium ou l'Enterprise, confie Tyldum. Nous voulions créer quelque chose de différent, basé sur la science. Sur le plan historique, j'ai regardé les grands bateaux d'immigrants. Vous savez, ceux qui faisaient la traversée entre l'Europe et les États-Unis ou le Canada. Nous étions autant inspirés par le passé que par le futur. Il y a une partie technique, et une partie destinée à passer du bon temps, relaxer, avec des designs plus vieillots, Art déco... C'est comme Las Vegas!» 

Morten Tyldum cite aussi l'incontournable Stanley Kubrick comme source d'inspiration, en soulignant qu'il a mis dans son film quelques références cachées au réalisateur de 2001, l'odyssée de l'espace.

Le temps

Il y a deux obstacles de taille pour tout voyage spatial: la distance et le temps pour la parcourir. C'est là tout le drame vécu par Jim et Aurora, sortis trop tôt de leur «hibernation» et qui devront veiller sur le reste de l'équipage endormi. Un sacrifice, en quelque sorte, puisqu'ils ne verront jamais la conclusion de cette conquête d'une autre planète. 

Pour Morten Tyldum, Passengers permettait d'explorer autre chose que l'espace. Après tout, ne sommes-nous pas que de simples passagers de la Terre? «Je crois que la maladie de notre monde moderne est de ne jamais être vraiment dans le moment présent, note le réalisateur. On s'inquiète et on pense toujours par rapport au futur, on fait des choses en pensant que ce sera bien pour plus tard. Ici, on se demande ce qui se passe lorsque le seul endroit où l'on peut vivre est maintenant. Aurora et Jim doivent sortir le meilleur de tout ça. Qu'est-ce que cela signifie, de construire une vie? C'est tout ce qu'ils ont, construire du sens, et tous les deux ont la capacité de le faire et de ressentir de l'amour, comme chaque personne.»

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Passengers (Passagersprend l'affiche le 21 décembre.

Photo fournie par Columbia Pictures

Le réalisateur Morten Tyldum dirige Chris Pratt sur le plateau de Passengers.