«Ce film aurait pu s'appeler 'Ne devenez pas actrice'», plaisantait Zoe Cassavetes lors d'une séance de questions-réponses après la première mondiale de son film Day out of Days à Los Angeles.

La fille de deux monstres sacrés du cinéma américain, Gena Rowlands et de John Cassavetes, baigne dans le septième art depuis son premier souffle. Son deuxième long-métrage - après Broken English (2006) - écorche le rêve hollywoodien.

Présenté au Los Angeles Film Festival, Day out of Days décrit par le menu les humiliations encaissées par une actrice aux abords de la quarantaine, Mia, alors qu'elle était une vedette à vingt ans.

«La prochaine fois, essaie d'être jolie!» assène une directrice de distribution. «Tu pourrais faire du gym ou twitter» lui lance son agent. «Tu veux aller à Cannes? Tu le veux ton come-back», mugit un réalisateur libidineux pour l'amener à prendre des drogues et se dévêtir devant lui, tandis qu'un autre, qui fut son stagiaire lorsqu'elle était au fait de sa gloire, prend un malin plaisir à la rabaisser.

Pour couronner le tout, son ex-mari étale son bonheur avec une jeune actrice dans les pages des magazines de potins. Alors: fiction ou triste réalité?

«Mythe du glamour perpétuel»

«Même s'il y a des choses inventées, parfois ce que les gens vous racontent est encore plus fou. Ayant grandi à Los Angeles, avec beaucoup d'amies actrices et une mère qui l'est aussi, je crois que j'ai une sensibilité particulière pour les comédiennes. Je trouvais qu'il était tant de faire exploser ce mythe du glamour perpétuel», explique-t-elle.

La cinéaste de bientôt 45 ans à la voix grave souligne avoir voulu être actrice étant plus jeune, avant d'abandonner cette idée, car «je ne supportais pas les humiliations et les choses tellement cruelles que les gens vous disaient».

Les polémiques sur la difficulté de vieillir pour les comédiennes à Hollywood n'en finissent pas. Récemment, Maggie Gyllenhaal confiait qu'à 37 ans, on lui avait signifié qu'elle était trop vieille pour jouer l'amante d'un acteur de 55 ans. «C'est un métier étrange. Votre égo est tellement au centre de tout. Votre physique, comment les gens vous acceptent, le fait qu'il faille être choisie... Pour être actrice, il faut un vrai besoin d'être regardée», constate Zoe Cassavetes.

Selon elle, les réseaux sociaux ont changé la donne pour les comédiennes qui veulent durer. «La règle du jeu c'est toujours d'être belle, d'être mince, prête à tout et à beaucoup de sacrifices, mais maintenant il y a les réseaux sociaux. Et cette transformation est arrivée en un clin d'oeil».

L'agent de Mia lui fait la leçon dans le film: les actrices en vogue twittent et sortent entre célébrités pour créer le buzz...

Crise de la quarantaine

Pour la réalisatrice, la télévision et la multiplication des films et séries de qualité pour le câble ou des supports internet comme Netflix ou Amazon ont toutefois «fait beaucoup pour les actrices de plus de 40 ans», en leur apportant des rôles possibles et exigeants alors que les grosses productions embauchent surtout des jeunes premières.

Pour la cinéaste, le film va toutefois au-delà d'Hollywood et évoque, en général, la difficulté de vieillir.

«Quand vous êtes jeune, vous avez toutes ces idées sur ce que vous voulez faire de votre existence, mais on ne prend pas le temps au milieu de sa vie de faire le point. C'est pour ça qu'on fait des crises de la quarantaine. Le film parle de ça, aussi».

«C'est comme la première fois que quelqu'un vous appelle madame. Vous vous retournez... et vous comprenez qu'on vous parle à vous! Et vous vous dites. 'Oh! Ça y est'. La jeunesse, quand elle vous quitte, elle laisse un vide».

La réalisatrice, coupe au carré blonde, vit à Paris depuis six ans avec son mari français. La différence avec Hollywood? «À Paris, je me sens encore comme une artiste. Le système français, avec le CNC (Centre national du cinéma), encourage les gens à faire des films intéressants qui parlent de sentiments. On a encore le droit d'être un auteur».