Tirés de l'oeuvre de Marcel Pagnol, Marius et Fanny sont des films mythiques du cinéma français. Après son rôle dans Jean de Florette et Manon des sources, dans les années 80 et sa première réalisation avec La fille du puisatier en 2011, Daniel Auteuil poursuit sa traversée de l'univers de Pagnol avec Marius et Fanny, qu'il a tournés l'an dernier, dans lesquels il joue le rôle de César, le père de Marius, interprété en 1931 par le grand acteur français Raimu. Daniel Auteuil évoque avec La Presse ce qui l'a poussé à relever ce défi.

Q: Ç'a été tout un pari de reprendre Marius et Fanny, ces monuments du cinéma français?

R: Oui et non, bizarrement. J'ai un rapport de grande proximité avec l'oeuvre de Pagnol, qui est classique comme Molière ou Marivaux. Ce n'est pas prétentieux, mais ces grandes oeuvres sont faites pour passer de génération en génération. Alors, bien sûr, il y a le poids des immenses acteurs qui ont créé ces rôles, mais je l'ai abordé avec beaucoup d'humilité. Je ne cherche pas à détrôner qui que ce soit. J'en serais bien incapable, mais j'ai un immense plaisir à jouer ces textes.

Q: Reprendre le rôle de Raimu n'a pas été trop difficile?

R: Les films de Marcel Pagnol avec l'immense Raimu et l'immense Pierre Fresnay sont là. Je n'ai pas essayé de faire pareil ni de remplacer Raimu. C'est simplement avec beaucoup de plaisir et d'énergie que je raconte cette histoire aujourd'hui.

Q: Est-ce qu'il a été plus difficile de jouer César qu'Ugolin dans les années 80?

R: Non, je dirais même que c'était plus simple, car j'ai 63 ans, et à l'époque, j'en avais 30 et quelque. Et c'était impressionnant de me retrouver devant Yves Montand et Gérard Depardieu dans une grosse production. C'était la première fois. J'avais des preuves à faire. Alors que là, il fallait juste ne pas être ridicule. Je ne dis pas que cela a été simple, mais on a tout le temps été dans le plaisir de dire ces mots et de jouer ces situations. Et je n'ai pas la même corpulence!

Q: Avez-vous dû grossir pour ce rôle?

R: Malheureusement non! On va dire qu'à cause du rôle, je ne me suis pas privé! J'ai arrêté de fumer il y a cinq ans, alors voilà d'où ça vient! Mais j'ai remaigri depuis!

Q: Tourner ces deux films était votre idée, ou celle des producteurs Jérôme Seydoux et Alain Sarde?

R: C'était la mienne. J'avais envie de me replonger dans Pagnol. L'oeuvre n'est plus étudiée à l'école en France. À l'étranger, les nouvelles générations en ont une connaissance plus approfondie qu'en France. Les deux films d'origine sont en noir et blanc et les bandes-son presque inécoutables. Ils n'ont pas été restaurés. J'avais envie, 80 ans après, de faire entendre ce texte comme si c'était la première fois qu'il était dit.

Q: Vous allez tourner la suite de cette histoire, César, bientôt?

R: Je ne sais pas encore. Pour l'instant, je n'ai pas de feu vert. Par rapport à la situation du cinéma en France, Marius et Fanny ont plutôt bien marché, mais il n'y a pas une priorité absolue aujourd'hui pour un distributeur de mettre en chantier un film censé se passer 20 ans après l'action de Marius et Fanny (dans les années 30).

Q: Aujourd'hui, quelle résonance a l'histoire d'un jeune Marseillais qui préfère l'aventure lointaine à l'amour près de la Canebière?

R: Malgré la pression de la crise, la part de rêve chez les jeunes est toujours là. Le film s'inscrit davantage dans une idée de patrimoine que de l'absolue nécessité pour un jeune homme d'aller au cinéma voir ce film. Mais les thèmes abordés sont universels et indémodables.

Q: Est-ce qu'on va vous voir bientôt dans un autre film, plus contemporain?

R: Un film vient de sortir à Paris, Avant l'hiver, de Philippe Claudel, avec Kristin Scott Thomas et Richard Berry. Il devrait bientôt arriver chez vous.

Q: Vous avez tourné dans 80 films au cinéma. Aimez-vous votre expérience de réalisation, ces trois dernières années?

R: C'est une révélation pour moi. Ne pas l'exercer en ce moment me manque. Faire du cinéma comme je le fais depuis 40 ans, ce n'est pas compliqué. En revanche, être en phase avec son époque en racontant des histoires, le talent est là. C'est ça, la difficulté. Alors j'ai envie de continuer. Mais le sujet doit être suffisamment fort pour monter un film.

Q: Vous verra-t-on derrière la caméra sans que vous soyez devant?

R: Bien sûr. Ce sera le signe que j'ai confiance en moi en tant que metteur en scène et que je n'ai plus besoin de moi pour que le film ne soit pas trop mal!

Q: À 63 ans, vous réalisez et jouez au cinéma, vous jouez dans la pièce Nos femmes au Théâtre de Paris, votre 21e pièce de théâtre. Vous êtes comblé par ce métier?

R: Oui, bien sûr. Mais dans ce métier, le contentement est un trou sans fin. On n'est jamais comblé. Je suis content de ce qui s'est passé jusqu'à présent, mais j'ai encore tellement de désirs. Ce qui m'intéresse, c'est de continuer.

PHOTO FOURNIE PAR MARS DISTRIBUTION

Raphaël Personnaz et Victoire Belezy, dans les rôles titulaires de Marius et Fanny. Daniel Auteuil a réalisé les deux films. 

Une filmographie bien remplie

Né à Alger en 1950 de parents chanteurs lyriques, Daniel Auteuil a joué depuis 1974 dans 80 films au cinéma et 11 films pour la télévision. Il a réalisé trois films: La fille du puisatier (2011), Marius (2013) et Fanny (2013). Il a joué dans 21 pièces de théâtre. Il a obtenu le César du meilleur acteur en 1987 pour son rôle dans Jean de Florette et en 2000, pour son rôle dans La fille sur le pont. Jean de Florette et Manon des sources ont fait 14 millions d'entrées cumulées en France en 1986. Depuis juillet, Marius et Fanny ont cumulé moins d'un million d'entrées.

Les acteur de Marius et Fanny

Outre Daniel Auteuil dans le rôle de César, la distribution des films Marius et Fanny comprend le jeune premier du cinéma français Raphaël Personnaz (La princesse de Montpensier, Trois mondes, Quai d'Orsay), dans le rôle de Marius, et la jeune Victoire Belezy, qui étrenne une carrière cinématographique dans celui de Fanny. Marie-Anne Chazel (Le père Noël est une ordure, Les visiteurs, La fille du puisatier) interprète le rôle de la mère de Fanny, Honorine, tandis que Jean-Pierre Darroussin (Les neiges du Kilimandjaro, La fille du puisatier, Dialogue avec mon jardinier) incarne Panisse.