Ne devient pas monstre effrayeur qui veut. Avant de pouvoir franchir les portes des placards menant aux chambres d'enfants, Sulley, Mike Wazowski et compagnie ont dû passer celles du collège où ils ont appris le b.a.-ba de ce qui allait devenir leur profession. Bienvenue à Monsters University.

D'abord, franchir les barrières de Pixar Animation. L'impression est de se trouver soudain en prise directe avec l'imaginaire des John Lasseter, Andrew Stanton, Brad Bird et autres Pete Docter. On y est accueillis par un Luxo format géant (la lampe qui sautille entre le P et le X au début des films produits par le studio se déploie en effet ici sur 6 m).

On franchit ensuite les portes du Steve Jobs Building. Quelques stars de Cars et les Incredibles au complet, grandeur nature, nous accueillent. Frappant combien, en cet intérieur, la lumière est reine. Les fenêtres sont innombrables. Les portes sont en verre. Les murs aussi. Et ceux qui ne le sont pas portent illustrations, story-boards, photos. Étalage des idées et du talent de ceux qui ont fait passer l'animation à un autre niveau avec Toy Story, Finding Nemo, Ratatouille, WALL-E et autres Up.

C'est sans compter les tables de billards et de ping-pong, la piscine et le trampoline où les animateurs peuvent dénouer leurs muscles. Le paradis n'est pas loin. Entre autres peuplé, ces jours-ci, des quelques monstres. Nous sommes à quelques jours du «décollage» de Monsters University, le 14e long métrage signé Pixar. Sulley et Mike Wazowski, qui sommeillaient depuis 12 ans, reprennent du service dans cet antépisode réalisé par Dan Scanlon.

Dix ans avant les événements survenus dans Monsters, Inc., le grand monstre poilu bleu et la petite olive verte à un seul oeil arrivent au collège avec l'intention d'obtenir un diplôme en frayeur. Ils vont entre autres apprendre à rugir, grimacer, opter pour des postures menaçantes, tout pour provoquer les cris des enfants afin d'alimenter leur monde en énergie. Sully, qui vient d'une longue lignée d'effrayeurs, part avec une longueur d'avance. Contrairement au minuscule Mike Wazowski, qui veut beaucoup mais peut peu.

Bref, ils n'ont rien en commun. Comment deviendront-ils alors les inséparables que l'on a découverts dans Monsters, Inc.? C'est ce que raconte Monsters University. «L'avantage de l'antépisode, c'est qu'on connaît les personnages, qu'ils sont déjà aimés du public et qu'il n'y a pas de monde à créer. L'inconvénient, c'est la prédictibilité: on sait tous à quoi l'histoire va aboutir. Nous nous sommes battus avec ça pendant un moment, jusqu'à ce que nous nous disions que nous allions tenir pour acquis que le public avait vu Monsters, Inc., qu'il savait aussi bien que nous où l'histoire menait. Et nous avons utilisé cela à notre avantage, en créant un récit dont connaître la conclusion fait partie du drame, l'alimente même», expliquait Dan Scanlon lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse.

Arrivé chez Pixar il y a 11 ans, donc un an après la sortie sur les écrans du long métrage présentant Sulley et Mike Wazowski au monde, le réalisateur avait la tâche de prendre le relais de Pete Docter (Up) à la réalisation et d'Andrew Stanton (WALL-E) à la coscénarisation. Gros contrat. Sauf qu'il y a la manière Pixar. Lorsque Dan Scanlon dit «nous», il ne parle pas de lui à la sauce royale, mais de lui et du brain trust - ces éminences grises du studio (les vétérans en font tous partie) qui se réunissent sur une base régulièrement avec le responsable d'un projet. Ensemble, ils discutent, apportent de nouvelles idées, jettent de grands pans de l'intrigue, en bâtissent d'autres. Peaufinent jusqu'à la dernière seconde.

«Nous sommes avant tout des conteurs d'histoires, c'est là que bat notre coeur», souligne d'ailleurs Korie Rae, la productrice de Monsters University. «Nos films ne sont donc pas mus ni dirigés par la technologie, qui n'est là que pour servir le récit.»

Parlant technologie, elle a évolué de quelques siècles (manière de parler) au cours des 12 années séparant l'antépisode du film original. Autre défi pour Dan Scanlon, qui devait conserver une continuité visuelle entre les deux oeuvres. «Nous avons pris le parti de conserver le design simple, presque naïf, et les couleurs vives, bonbons, des monstres... mais nous nous sommes permis un nombre beaucoup plus important de personnages puisque c'était désormais possible. Et nous les avons installés dans un environnement qui respecte les normes d'aujourd'hui et qui est éclairé de manière plus naturelle et «profonde» grâce à un tout nouveau système», résume le réalisateur.

La suite des choses, pour lui? Un sequel à ce prequel? Il éclate de rire. Il va d'abord ouvrir à tous les portes de L'université des monstres avant d'en pousser une nouvelle, où il trouvera son nouveau défi.

Monsters University (L'université des monstres) prend l'affiche le 21 juin

***

Les personnages et leur voix

Douze ans après Monsters, Inc., Billy Crystal et John Goodman reprennent (vocalement) les rôles de Mike Wazowski et Sully... rajeunis de 10 ans. Ah, les avantages de l'animation! À leurs côtés dans cette université des monstres, de nouveaux venus. Présentation.

Mike Wazowski

v.o.: Billy Crystal

v.q.: Alain Zouvi

Mike est un petit monstre avec de grands rêves. Billy Crystal comprend, lui qui rêvait de devenir joueur de baseball, jusqu'au jour où il a compris que ce ne serait pas possible. Une porte s'est fermée, une autre s'est ouverte: il s'est tourné vers la comédie. «Quand mes petits-enfants ont appris que je jouais dans des films, ils ont voulu voir. Je ne pouvais leur montrer When Harry Met Sally. J'ai donc opté pour Monsters, Inc. Et je suis devenu Grand-Pa Mike Wazowski.»

James P. Sullivan

v.o.: John Goodman

v.q.: Patrick Chouinard

L'héritier d'une famille d'effrayeurs, Sulley est un naturel. Il amorce donc ses études collégiales avec l'assurance de ceux qui savent. Ou croient savoir. «Mais le talent, parfois, ne suffit pas, fait remarquer Dan Scanlon qui rappelle que dans Monsters, Inc., Sulley apparaît comme un monstre talentueux, soit, mais aussi humble, doux et mature. «Monsters University explique comment il est passé de débonnaire et fanfaron à responsable.»

Art

v.o.: Charlie Day

v.q.: Georges St-Pierre

«Art est quelqu'un qui semble avoir échoué là par accident. Je ne suis même pas certain qu'il soit vraiment étudiant. C'est un monstre heureux, optimiste, je suis sûr que c'est un genre de marsupial, il a un passé mystérieux et d'après moi, il a déjà passé un peu de temps derrière les barreaux», rigole Charlie Day, appliquant à Art, de façon un peu tempérée, l'humour de It's Always Sunny in Philadelphia, série qui l'a mis «sur la carte» comme comédien.

Doyenne Hardscrabble

v.o.: Helen Mirren

v.q.: Catherine Deneuve

Elle a été l'un des monstres les plus terrifiants de tous les temps. «Elle n'est pas vraiment méchante, assure Dan Scanlon. Mais elle est un peu arrogante à cause de son immense talent et elle a perdu de vue l'une des bases de l'instruction: on n'enseigne pas à tous de la même façon.» Quant à son design de mille-pattes, très difficile à animer, il était hors de question pour le réalisateur de le «cacher» grâce à des plans tronqués, pour faciliter la tâche à ses troupes.

***

PHOTO FOURNIE PAR L'AGENCE DE L'ARTISTE

Patrick Chouinard

De suites en suites

L'impression est là: Pixar donne de plus en plus dans les suites et, est-ce une coïncidence ou pas, cela se produit depuis que Disney a racheté le studio, en 2006. À partir de cette date, quatre films originaux sont sortis de la boîte à merveilles (Cars, Ratatouille, WALL-E et Up) - dont on peut se dire, à cause des longs délais de production, qu'ils étaient déjà en chantier au moment de la fusion. Ont suivi, depuis 2010, Toy Story 3, Cars 2 et maintenant Monsters University; seul film original, Brave.

Les faits parlent d'eux-mêmes, non? Les faits disent ce qu'on veut leur faire dire, sourient plutôt la productrice Kori Rae et le réalisateur Dan Scanlon, respectivement chez Pixar depuis 20 et 11 ans.

«Il est arrivé ce moment dans notre histoire où nous possédions une galerie impressionnante de personnages que nous avions le désir de revisiter et dont nous avions les droits de distribution. Ça s'est produit au moment de la fusion avec Disney, mais ce n'est pas la raison pour laquelle nous avons commencé à faire des suites. C'est avant tout parce que nous avions la possibilité d'explorer davantage ces personnages qui avaient d'autres choses à dire», assure la première.

«Et si vous regardez bien, ajoute le second, nous sortons le même nombre de films originaux qu'avant. C'est simplement qu'aujourd'hui, parce que nous sommes plus nombreux à travailler dans l'entreprise, nous avons le luxe de réaliser davantage de longs métrages - et c'est dans ce «davantage» que se trouvent les suites. Et il n'y a qu'une raison, une seule, pour laquelle nous décidons d'aller à une sequel: si nous trouvons une histoire aussi bonne ou supérieure à celle du film original.»

Cela s'avère pour la série Toy Story. Moins pour Cars. À suivre, donc, pour Monsters...

PHOTO FOURNIE PAR PIXAR/DISNEY