Même si les deux mêmes vedettes reprennent du service, Le sens de l'humour arpente des avenues très différentes de De père en flic. Émile Gaudreault explique.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire au premier abord, un succès historique est beaucoup plus facile à gérer qu'un échec. À la veille de la sortie de sa nouvelle comédie Le sens de l'humour, Émile Gaudreault reste évidemment fébrile, voire stressé, mais il préfère de loin la position dans laquelle il se trouve aujourd'hui.

>>> À lire également: «Le sens de l'humour: les acteurs du film»

« Oui, on ressent une pression, a expliqué l'auteur cinéaste au cours d'une interview accordée récemment à La Presse. On veut que le film plaise aux gens, c'est sûr. Et on y met tous les efforts nécessaires. Mais cette pression est quand même moins forte que celle qui pèse sur nous quand le film précédent n'a pas bien marché auprès du public. Dans le créneau des productions à vocation plus populaire, le système ne te permet pratiquement pas d'aligner deux échecs. Après Surviving My Mother, je sentais que je n'avais pas vraiment droit à l'erreur. De père en flic a été fait un peu en réaction à ça. «

On connaît la suite. La comédie dans laquelle Michel Côté et Louis-José Houde formaient un tandem père-fils déjanté s'est hissée il y a deux ans au sommet du palmarès des films québécois francophones les plus populaires de tous les temps. Pour Gaudreault, il aurait probablement été plus que tentant d'utiliser la même recette dans un nouveau film. Quand on a annoncé que Côté et Houde reprenaient du service pour Le sens de l'humour, plusieurs observateurs pensaient d'ailleurs avoir droit à une suite de De père en flic. Gaudreault a pourtant choisi d'aller explorer d'autres avenues.

« Le sens de l'humour est né un peu par accident, raconte-t-il. En fait, un drame est survenu dans mon entourage au moment où j'étais en train d'écrire un autre scénario, qui brassait des thèmes beaucoup plus sombres. J'ai immédiatement eu le réflexe d'abandonner cette idée pour me consacrer à l'écriture d'une comédie. Je n'avais plus envie de visiter des zones plus graves. Cela dit, Le sens de l'humour comporte quand même un aspect un peu plus noir. «

L'art de la comédie

Émile Gaudreault s'est tourné vers un milieu qu'il connaît très bien. Ayant parcouru le Québec de fond en comble à l'époque où il était l'un des cinq lurons du Groupe Sanguin, le cinéaste a en effet eu l'idée d'explorer de l'intérieur le monde de la comédie. Et il a intégré un tueur en série au passage! Benoît Brière et Louis-José Houde campent ainsi des humoristes de seconde zone, enlevés par un tueur complexé (Michel Côté) dont ils se sont un peu trop payé la tête au cours d'une représentation. À Anse-au-Pic, une bourgade en bordure du Saguenay, leur vie bascule.

Pour se sortir du pétrin, ils offrent d'enseigner l'art de la comédie à leur geôlier, un cuisinier de snack-bar qui, dans son milieu de travail, est aussi le souffre-douleur de quelques collègues. Les deux otages pensent trouver leur salut en aidant le pauvre bougre à développer, sinon le sens de l'humour, du moins, l'habileté à avoir un peu plus de répondant.

« La construction du récit s'est faite de façon organique, fait remarquer Émile Gaudreault. Cette prémisse permettait d'emprunter plusieurs pistes, notamment sur les mécanismes de l'humour, les conflits entre les styles et les générations, la petite vie de tournée, etc. Je trouvais en outre beaucoup plus intéressant de suivre deux gars qui en arrachent plutôt que des superstars. D'autant plus que j'ai pris les meilleurs acteurs de comédie du Québec pour jouer des humoristes qui ne sont pas très bons! «

Préférant toujours cosigner un scénario avec un collaborateur, Gaudreault a cette fois fixé son choix sur Benoît Pelletier, un scripteur d'expérience dont le nom apparaît au générique des spectacles des humoristes les plus populaires. Il existerait environ 35 versions du scénario. Perfectionniste, Émile Gaudreault fait en effet partie de ces créateurs qui sollicitent l'avis de lecteurs privilégiés. Il n'hésite jamais non plus à ajuster le tir au fil de projections tests devant public.

« Combien de fois on sort d'un cinéma en se disant que le scénario du film aurait pu être mieux travaillé, mieux écrit?, demande-t-il. Je comprends mal ceux qui ne veulent pas tenir compte de l'avis des autres. Ce regard extérieur m'est très précieux parce qu'il me permet d'améliorer, d'avancer, d'aller plus loin dans le sillon que j'ai moi-même creusé. «

Un aspect plus délicat

Produit avec un budget de 7,7 millions de dollars, Le sens de l'humour a fait l'objet d'une longue période de montage à cause de la nature plus « délicate » du sujet. Même si les deux lascars pourraient être soumis à la torture de leur ravisseur (les instruments sont assez évocateurs à cet égard), le climat n'est toutefois pas du tout celui des 7 jours du talion...

« L'idée n'était quand même pas facile à vendre aux acteurs, rappelle Émile Gaudreault. Ils m'ont fait confiance grâce à De père en flic. Comme les instruments de torture ont été complètement inventés pour leur donner un aspect plus fantaisiste, ils ont vu que nous n'allions pas aller dans le trash! »

Non, pas de trash. Du moins, pas pour l'instant. Car le grand spécialiste de la comédie populaire fabriquée au Québec espère pouvoir s'attaquer un jour à un film d'horreur.

« Parce que j'adore ça!, dit-il. À l'adolescence, j'ai vu tous les films du genre qui passaient à Alma. Encore aujourd'hui, je vais les voir à peu près tous. J'aimerais vraiment écrire un film d'horreur, un vrai. Je ne sais pas si je le réaliserais moi-même, cela dit. Mais j'y songe! «

Le sens de l'humour prend l'affiche le 6 juillet.