Il serait sans doute facile de croire que Steven Soderbergh a élaboré Logan Lucky comme une satire du pays des rednecks à l'ère de Donald Trump. Après tout, le récit n'est-il pas campé en Virginie-Occidentale, l'État où l'actuel locataire de la Maison-Blanche a recueilli l'un de ses plus forts pourcentages à la dernière élection ?

Cette analyse serait pourtant un peu courte. Oui, les personnages qui défilent dans Logan Lucky, souvent défini comme un « Ocean's Eleven des pauvres », ont tous le côté caricatural que commande une comédie empruntant un style que les frères Coen ne renieraient sans doute pas. Mais on détecte aussi dans ces personnages, sur lesquels le cinéaste pose un regard dénué de toute condescendance, une bonne dose d'humanité.

Après s'être retiré du monde du cinéma pendant quelques années, au cours desquelles il a notamment réalisé pour la télévision Behind the Candelabra et deux saisons de la série The Knick, Steven Soderbergh propose une comédie sans prétention, divertissante au possible. Réunissant devant sa caméra une distribution étincelante, dominée par Channing Tatum (son acteur fétiche depuis quelques années) et Adam Driver, le cinéaste arpente, il est vrai, le même territoire que dans ses précédents Ocean's 11, 12 et 13, à la différence que les palaces de Las Vegas sont ici remplacés par les installations d'une piste de course NASCAR.

Accablés par la malchance depuis leur naissance, les deux frères Logan, Jimmy (Tatum) et Clyde (Driver), décident en effet, en désespoir de cause, d'organiser un vol sur les lieux mêmes où Jimmy a perdu son emploi quelques semaines plus tôt. Souffrant tous les deux d'un handicap, les frangins forment leur équipe en recrutant leur plus jeune soeur (Riley Keough), de même que Joe Bang, un criminel notoire, incarcéré dans une prison où tous les détenus arborent une combinaison à grosses rayures comme dans les vieilles bandes dessinées.

En se glissant dans un personnage qui pourrait sans doute être aussi l'un des rivaux de 007, Daniel Craig s'en donne à coeur joie en prenant complètement son image à contre-pied. 

Celui qui vient de confirmer officiellement son retour dans le prochain James Bond constitue sans contredit l'un des meilleurs éléments de ce film.

SITUATIONS HILARANTES

Le récit s'attarde à décrire comment ces lascars s'y prendront pour réussir - ou pas - leur pari, mais l'intérêt réside davantage dans le portrait des personnages, et dans la nature absurde des situations - souvent hilarantes - dans lesquelles ceux-ci sont plongés. Comme l'opération au Charlotte Motor Speedway n'occupe pas tout l'espace, on peut se permettre d'aller voir aussi un peu ce qui se passe dans la vie personnelle des protagonistes. Jimmy tient notamment à maintenir son droit de visite alors que la mère de sa petite fille, interprétée par Katie Holmes, a refait sa vie avec un type dont on ne sait même pas s'il est capable de conduire une bagnole à transmission manuelle. La honte.

On notera aussi le sens du détail qu'affiche Steven Soderbergh dans sa mise en scène, ainsi que dans l'évocation d'une culture particulière où course NASCAR, concours de mini-miss et chansons de John Denver font bon ménage.

Logan Lucky marque en toute modestie le retour d'un cinéaste dont le cinéma avait bien du mal à se passer.

Logan Lucky (V.F. : Le destin des Logan). Comédie de Steven Soderbergh. Avec Channing Tatum, Adam Driver, Daniel Craig. 1 h 59.

Image fournie par les Films Séville

Logan Lucky