Je n’ai jamais possédé de BlackBerry – j’en ai cependant vendu dans une autre vie. Ma relation avec ce téléphone est donc quasi inexistante. N’empêche que la lente agonie de l’entreprise après son improbable domination reste triste à mes yeux, surtout lorsqu’on pense aux employés de Research In Motion (RIM) qui ont coulé avec le navire.

Comme l’a dit Jay Baruchel lors de notre entretien, l’histoire de BlackBerry est tragique. Pourtant, le film que le réalisateur Matt Johnson et son coscénariste Matthew Miller en ont tiré emprunte davantage le ton de la comédie. Un excellent choix !

Le récit se déroule en bonne partie dans les années 1990 et au début des années 2000. Par son souci d’authenticité parfaitement calibré, BlackBerry fait bien vibrer notre fibre nostalgique. Les différents filtres et objectifs (Jared Raab), la technologie rétro (Adam Belanger), les vêtements vintage (Hanna Puley) et la musique (Joy Division, Mark Morrison, Moby) combinés à la caméra et au montage qui s’approchent parfois de ceux du documentaire permettent une immersion convaincante et sympathique dans cette époque qui ne me semblera jamais lointaine. Les films Air et Tetris, bien qu’ils se déroulent dans les années 1980, n’ont pas aussi bien fait avec certainement plus de moyens.

Jeu exagéré, mais assumé

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Glenn Howerton incarne Jim Balsillie.

L’interprétation est l’autre grande force de BlackBerry. Ceux qui ont côtoyé Jim Balsillie assurent qu’il n’avait pas aussi mauvais caractère que le personnage du film de Matt Johnson. Toutefois, la version proposée par Glenn Howerton est assurément plus divertissante que la réalité. L’intransigeance, l’impatience, la confiance et l’ambition de l’homme d’affaires font rire par leur excès, mais contribuent à maintenir une tension qui nous étonne par son intensité. Même si on connaît la fin, ces montagnes russes de succès et d’échecs demeurent captivantes.

Le jeu de Jay Baruchel y est pour beaucoup. Le Montréalais incarne Mike Lazaridis, la moitié nerd de BlackBerry. Il est tellement attachant qu’on souhaite qu’il « gagne » contre le monstre du capitalisme. On se dit que son génie technologique aurait dû être suffisant, et malgré l’irrationalité de notre sentiment, on s’accroche à l’espoir qu’il triomphe. Son évolution de surdoué timide à gestionnaire quelque peu arrogant est également fascinante.

En plus d’avoir écrit et réalisé le film, Matt Johnson s’est glissé dans la peau de Doug Fregin, vieil ami et associé de Mike Lazaridis. Matthis Wandel, ancien de RIM, a indiqué dans une passionnante vidéo d’analyse de la bande-annonce qu’on pourrait qualifier le personnage de fictif tellement il est loin du véritable Doug Fregin. Qu’importe, il est un bon contrepoids à Mike l’introverti, en plus d’être le seul capable d’exprimer sainement ses émotions.

Cary Elwes (The Princess Bride, Stranger Things), Michael Ironside (Top Gun, Barry) et Rich Sommers (Mad Men, GLOW) sont quelque peu sous-utilisés considérant leurs impressionnants CV. Ces acteurs chevronnés occupent-ils ces petits rôles pour contribuer à la qualité du film ou pour lui donner plus de crédibilité auprès du public international ? Les histoires canadiennes sont plutôt rares au cinéma…

BlackBerry s’étire en fin de parcours, mais reste un film fort agréable qui nous réjouit par son intelligence, son humour et sa sincérité.

BlackBerry

Comédie historique

BlackBerry

Matt Johnson

Avec Jay Baruchel, Glenn Howerton, Matt Johnson

1 h 59

8/10

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