Lors de leur tournée médiatique, les artisans de cette adaptation cinématographique du roman à succès Le plongeur, y compris l’auteur Stéphane Larue, ont expliqué leur envie d’un vrai film de cinéma, dans lequel on retrouverait un peu le style américain des années 1970 en s’inspirant notamment de l’atmosphère des œuvres qu’ont signées Martin Scorsese et Sidney Lumet à cette époque. Le pari est bien tenu.

Francis Leclerc, qui nous a proposé coup sur coup Pieds nus dans l’aube et L’arracheuse de temps, change ici complètement de registre pour nous plonger – sans jeu de mots – dans l’univers d’un jeune homme de 19 ans complètement accro au jeu. Le cinéaste installe tout d’abord un climat anxiogène en s’infiltrant au ralenti dans la cuisine du restaurant branché où le plongeur du titre a déniché un emploi. Dès que la caméra se pose sur Stéphane (Henri Picard), qui nous raconte son histoire en voix hors champ 15 ans plus tard (avec la voix de Marc-André Grondin), l’action épouse alors le rythme fou de l’endroit, presque aussi frénétique que celui sur lequel battent le cœur et l’esprit du protagoniste.

Les lumières sont crues et les ambiances un peu trash se déploient au son de tubes de heavy metal et de hard rock. Le réalisateur d’Un été sans point ni coup sûr, qui cosigne le scénario de son nouveau film avec Éric K. Boulianne (Menteur, Viking), nous ramène à une époque remontant à 21 ans de distance à peine, laquelle semble pourtant relever complètement d’un autre âge. Amputées de téléphones intelligents, de réseaux sociaux et d’applications en tous genres, ces années du début du millénaire n’étaient pas non plus imprégnées aussi fortement par la culture des foodies. Bien que le cinéaste ait visiblement voulu recréer l’ambiance d’une cuisine de restaurant de façon crédible, il reste que l’essentiel du propos est ailleurs.

Mensonge et vérité

La plonge est un métier alimentaire qui permet à Stéphane de gagner des sous et de tenter de se reprendre en main. L’argent lui filant entre les doigts dès qu’une machine à sous lui fait un peu de l’œil, le jeune homme n’est pourtant pas au bout de ses peines, au grand désespoir d’un cousin (Guillaume Laurin) qui essaie de secouer comme il peut ce joueur maladivement compulsif.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Henri Picard est la tête d’affiche du film Le plongeur, adaptation cinématographique du roman de Stéphane Larue, réalisée par Francis Leclerc.

La façon dont Francis Leclerc explore les liens qui se forment autour de l’espèce de clan qu’intègre Stéphane au restaurant est également fort habile. Le jeune plongeur partage avec Bonnie (Joan Hart) son amour de la musique, et trouve auprès de Greg (Maxime de Cotret dans un rôle étonnant) une sorte de mentor. Et puis, il y a ce Bébert, visiblement habité lui aussi par quelques démons, qui deviendra son plus proche allié. Son interprète, Charles-Aubey Houde, crève l’écran. Sa performance fera de lui une véritable révélation.

Henri Picard, qui tient ici son premier grand rôle au cinéma (il est pratiquement de toutes les scènes), est tout aussi remarquable en donnant à Stéphane charisme et vulnérabilité. Maniant toutes les nuances d’un type entraîné dans un effet de spirale qui, à cause de la nature de sa dépendance, doit continuellement se vautrer dans le mensonge, l’acteur évoque parallèlement en contrepied toute la vérité du personnage. Exercice de haute voltige s’il en est.

Marqué par une mise en scène très fébrile, mais jamais tape-à-l’œil, Le plongeur est non seulement un vrai, mais un excellent film de cinéma.

En salle

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Le plongeur

Drame

Le plongeur

Francis Leclerc

Avec Henri Picard, Charles-Aubey Houde, Joan Hart

2 h 07

8/10