En 1968 à Los Angeles, au moment où les tensions raciales sont très vives, l’écrivain Romain Gary et l’actrice Jean Seberg, conjointe très impliquée dans la cause des Afro-Américains, découvrent que le chien égaré qu’ils ont recueilli a en fait été dressé pour attaquer spécifiquement les personnes afrodescendantes.

Répondons d’abord à une question que nous ont posée de nombreux lecteurs. Non, Chien blanc n’est pas le remake de White Dog (Dressé pour tuer), le film que Samuel Fuller a réalisé en 1982. Il est vrai que le réalisateur de The Big Red One s’était aussi inspiré du récit autobiographique de Romain Gary à l’époque, mais il en avait fait – avec l’aide de son coscénariste Curtis Hanson – une histoire purement fictive de laquelle le personnage de l’auteur était même complètement écarté.

Quarante ans plus tard, la réalisatrice de La déesse des mouches à feu, qui signe le scénario de son nouveau long métrage avec Valérie Beaugrand-Champagne, ne propose pas non plus une transposition littérale du livre, publié en 1970, mais ses choix évoquent davantage la réflexion à laquelle s’est livré le célèbre écrivain. Sa démarche se veut authentique, au point où les deux protagonistes de Chien blanc sont Romain Gary (Denis Ménochet) et Jean Seberg (Kacey Rohl) eux-mêmes.

Au cœur du récit figure un questionnement qui résonne encore plus fort de nos jours. À l’instar de Gary, qui s’interrogeait sur la manière de lutter contre le racisme et de prendre position quand on bénéficie du privilège blanc (il fut déjà consul général de France à Los Angeles et Jean Seberg était l’une des actrices les plus en vue), la cinéaste se pose visiblement la même question derrière sa caméra. Pendant toute la projection, on sent d’ailleurs Anaïs Barbeau-Lavalette jouer de prudence à cet égard et surveiller tous ses angles morts. Il n’en pouvait être autrement (Maryse Legagneur et Will Prosper ont été embauchés à titre de consultants et furent présents à toutes les étapes), mais cet aspect fait en sorte qu’inévitablement, le spectateur regarde Chien blanc différemment d’un film de Spike Lee ou de Shaka King.

Campé au moment où les tensions raciales s’accentuent au lendemain de la mort de Martin Luther King, le récit est construit autour du sort réservé au chien errant que Romain Gary et Jean Seberg ont recueilli, très affectueux, particulièrement avec Diego, le fils du couple. Il se trouve pourtant que ce chien a été dressé pour attaquer spécifiquement les Noirs, comme au temps où les maîtres dressaient leurs chiens pour pourchasser leurs esclaves en fuite dans les champs de coton. D’où cette appellation : chien blanc.

Du Black Power à Black Lives Matter

Si Jean Seberg s’implique concrètement dans les milieux militants pour lutter aux côtés des Afro-Américains, au risque de se faire reprocher cette appropriation d’un combat qui n’est pas le sien, Romain Gary s’interroge sur la nature du racisme à travers le comportement de ce chien. Refusant de le faire euthanasier, il insiste pour tenter de « déprogrammer » cet animal raciste, comme un dernier espoir de réhabilitation possible, un « remède à la haine ».

Ponctuant son récit de nombreuses scènes d’archives, liant notamment l’époque du Black Power avec celle de Black Lives Matter, Anaïs Barbeau-Lavalette propose un film dont la puissance d’évocation comporte aussi de beaux élans poétiques. Caractérisé par une autre composition impeccable de Denis Ménochet, ce drame à connotation sociale et politique bénéficie également de la performance de K. C. Collins, excellent dans le rôle de ce dresseur afro-américain qui tente de réhabiliter le chien agresseur.

Chien blanc fait partie de ces œuvres qui marquent les esprits. Sur ce plan, Anaïs Barbeau-Lavalette a parfaitement atteint le but qu’elle s’était fixé. Son film suscitera assurément des discussions intéressantes.

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Chien blanc

Drame

Chien blanc

Anaïs Barbeau-Lavalette

Avec Denis Ménochet, Kacey Rohl, K. C. Collins

1 h 35

8/10