Cette adaptation cinématographique de la pièce de François Archambault commence un peu comme Le déclin de l’empire américain. On y voit un historien, aussi interprété par Rémy Girard, raconter la situation politique et sociale du Québec avec assurance, en toute maîtrise, sans rien omettre de sa matière.

La grande différence est que cet érudit, contrairement à celui du célèbre film de Denys Arcand, n’est plus dans la force de l’âge. Sa mémoire est désormais défaillante. Et anarchique.

« Il ne pourrait pas vous raconter sa journée d’hier, ni même celle d’aujourd’hui », explique en effet sa femme (France Castel) à une équipe de télévision installée dans le salon de leur demeure pour une interview. La maladie d’Alzheimer dont souffre le protagoniste n’est pourtant qu’un des aspects du récit de Tu te souviendras de moi. Dans son scénario, qu’il a écrit avec la participation du dramaturge pour les dialogues, Éric Tessier (5150 rue des Ormes et Junior majeur au cinéma ; Fugueuse à la télé) ratisse plus large. Il aborde d’abord, sur le plan intime, une histoire familiale restée souterraine pendant des années, mais évoque aussi, sur le plan collectif, le rapport qu’entretient notre société avec sa propre mémoire.

Édouard (Rémy Girard) sera d’abord confronté à sa femme, qui n’en peut plus et songe à le quitter, puis à sa fille Isabelle (Julie Le Breton), mais, surtout, à la jeune fille du conjoint d’Isabelle, Bérénice (Karelle Tremblay). Un peu en désespoir de cause, cette millénariale un peu rebelle a été « recrutée » par son père (David Boutin) pour accompagner Édouard, sur qui on doit maintenant veiller en permanence. Comment se comprendront ces deux êtres complètement opposés, issus d’époques et de milieux différents, animés des lourds préjugés qu’ils entretiennent envers leurs générations respectives ?

D’une pertinence accrue

Là réside l’astuce d’un récit où la volonté d’établir des ponts entre des visions apparemment inconciliables est manifeste. Même si l’écriture et le tournage du film ont eu lieu bien avant que le monde s’arrête (Tu te souviendras de moi aurait dû prendre l’affiche le 20 mars 2020), il reste que le propos est aujourd’hui d’une pertinence accrue, alors que pendant la pandémie, la fracture générationnelle s’est creusée davantage.

PHOTO MARLÈNE GÉLINEAU PAYETTE, FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Rémy Girard et France Castel dans Tu te souviendras de moi, un film d’Éric Tessier

Ce genre d’histoire reposant essentiellement sur la qualité des interprètes, Éric Tessier a réuni une excellente distribution, dominée par une grande performance – encore une – de Rémy Girard. L’acteur parvient à évoquer le tumulte intérieur d’un être bien conscient de son inéluctable déchéance, qui se raccroche à un passé parfois encore trop réel, dont le regard peut pourtant se vider de toute mémoire récente en un instant.

Empruntant une approche classique, se mettant entièrement au service du récit et des personnages, Éric Tessier a également su éviter tout pathos et ne souligne rien à gros trait. Son film n’en devient que plus émouvant.

Tu te souviendras de moi

Drame

Tu te souviendras de moi

Éric Tessier

Avec Rémy Girard, Karelle Tremblay, France Castel

1 h 46 En salle

7/10

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