N’ayant rien offert sur grand écran depuis Tu dors Nicole, il y a huit ans, Stéphane Lafleur revient en force avec Viking. Cette improbable tragicomédie de science-fiction cadre parfaitement dans l’univers décalé de celui qui s’est imposé dès Continental, un film sans fusil, son premier long métrage, pour ensuite peaufiner son style grâce à En terrains connus.

En privilégiant toujours cet humour en creux, très pince-sans-rire, le cinéaste s’aventure sur l’un des territoires les plus difficiles à explorer, soit celui où l’humanité profonde d’individus doit se révéler à travers les situations les plus absurdes. Cet exercice de haute voltige, maîtrisé de bout en bout, rend cette réussite d’autant plus éclatante.

Coécrit avec Éric K. Boulianne (Prank, Menteur), le scénario est principalement construit autour du personnage de David, que Steve Laplante interprète avec brio. Ce dernier campe un professeur d’éducation physique dont on fait la connaissance au moment où il répond à une série de questions aussi étranges que surréalistes, à la suite desquelles il sera recruté pour une mission scientifique. Lui qui a toujours rêvé d’espace fera partie d’une équipe québécoise recrutée pour servir de miroir à un équipage d’astronautes américains en mission sur la planète Mars.

Pendant deux ans, David se retirera du monde pour se confiner dans un bunker situé dans un terrain vague du Midwest américain, en compagnie de quatre autres acolytes. Ces cinq individus ont été choisis parce que leur profil psychologique est en tous points identique à celui des astronautes partis se balader sur la planète rouge, même s’ils ne partagent pas obligatoirement le même genre. Une fois installés, les membres de l’équipe B doivent emprunter les prénoms de leur alter ego (David devient John et sa collègue, jouée par Larissa Corriveau, devient Steve) et mettre tout leur être au service de leur mission. Le but est d’anticiper sur Terre les moindres problèmes interpersonnels qui pourraient survenir entre les membres de l’équipe A dans l’espace. Et de les régler avant qu’ils surgissent.

Même si, chaque matin, David reçoit un message du véritable John lui révélant la teneur de son humeur quotidienne, la mission terrestre ne pourra d’évidence pas se dérouler comme prévu, les « doublures » n’étant pas toujours en mesure d’effacer complètement leur nature pour épouser celle d’une autre personne.

Aux confins de la condition humaine

Truffé de clins d’œil, notamment à 2001, l’odyssée de l’espace, chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, magnifiquement mis en images par la directrice photo Sara Mishara (Les oiseaux ivres), Viking explore ainsi les confins de la condition humaine, particulièrement le choc entre les ambitions existentielles et la réalité, mais ce film apostrophe également au passage des thèmes plus larges.

En filigrane, le récit évoque en outre le rapport qu’entretient le Québec sur le plan culturel avec un voisin puissant comme les États-Unis. Ne disposant pas des mêmes moyens que les productions de science-fiction produites au sud de notre frontière, Stéphane Lafleur s’amuse justement à jouer de ce déséquilibre.

D’une tonalité parfaitement modulée par une formidable distribution, de laquelle font aussi partie Fabiola N. Aladin, Hamza Haq, Denis Houle, Marie Brassard et Martin-David Peters, Viking ravira les admirateurs du cinéma de Stéphane Lafleur. En guise de quatrième long métrage, le cinéaste offre une histoire tout à fait originale, qui révèle quelque chose de notre humanité tout en extirpant l’humour intrinsèque qui en découle, parfois même avec poésie. Cela n’est pas si fréquent.

Viking est actuellement à l’affiche.

Viking

Comédie dramatique

Viking

Stéphane Lafleur

Avec Steve Laplante, Larissa Corriveau, Fabiola N. Aladin

1 h 44
En salle

8,5/10

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