Synopsis : Huit femmes, sept intervenantes, un refuge. Telle une immersion dans une maison pour femmes victimes de violence conjugale, Fuir nous plonge dans le quotidien chargé de ces femmes écorchées, qui tentent ici de se relever.

« Il me prenait à la gorge », « il m’étranglait », « il a brisé ma vie ». On s’en doute, le dernier documentaire de Carole Laganière n’est pas gai. C’est lourd. C’est dur. Et ça fait mal.

Fuir s’inscrit ici dans ce qui commence à ressembler à une tendance, en matière de prise de parole contre la violence faite aux femmes au grand écran (après Je vous salue salope, toujours en salle, ainsi que le controversé La victime parfaite, l’an dernier).

La réalisatrice, deux fois lauréate du Prix du meilleur documentaire canadien aux Hot Docs (La fiancée de la vie en 2002, puis Un toit, un violon, la lune, en 2003), a passé de longs mois dans un refuge pour femmes. Elle les a suivies dans leur quotidien. Filmées (pour la plupart à visage découvert, bravo pour l’infini courage) pendant leurs ateliers, carrément interrogées. Avec pudeur et sensibilité. Et celles-ci ne se sont pas défilées, mais se livrent franchement (quoique douloureusement) et chacune à leur tour. Sans filtre, elles racontent leur vécu, les coups, la honte, le sentiment de culpabilité, aussi. Notamment face à leurs enfants. C’est répétitif. Mais ça fesse.

Aux scènes aux allures de reportage au sens strict, tournées de manière plutôt traditionnelle, sont aussi superposées des images plus esthétiques, en noir et blanc, sur fond de musique dramatique. On voit tantôt l’une des protagonistes nageant dans une piscine, tantôt une autre courant dans une forêt. Le son et les images du vent dans les feuilles viennent ajouter une touche de tension dramatique, pour marquer certains moments choisis d’émotion. Ce n’est pas forcément subtil. Mais l’allégorie fonctionne. Et l’émotion est magnifiée.

Parlant d’esthétisme, le film commence et se termine sur les mots d’une œuvre de la poétesse franco-syrienne Maram al-Masri (lus par Caroline Néron), Les âmes aux pieds nus : « Je les ai vues, elles, leurs visages aux bleus camouflés… »

Non, « elles », ce ne sont pas que des filles paumées. Tout le contraire. Dans le lot (et il y en a beaucoup, de femmes présentées ici, peut-être même trop ?), une travailleuse du réseau de la santé, en relation d’aide, par-dessus le marché…

Heureusement, à travers les mouchoirs et la peur, le documentaire présente aussi plusieurs scènes notables de joie, un enfant qui joue aux figurines ici, des femmes qui dansent dans le noir là. Et malgré quelques longueurs, c’est sur cette sororité salvatrice que se conclut le film. Sur une note d’espoir, quoi. Parce qu’il en faut.

Fuir

Documentaire

Fuir

Carole Laganière

79 minutes

En salle

6,5/10

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