Elles ont voulu nous faire vivre le harcèlement en ligne et la misogynie numérique de l’intérieur. À coup de réels messages, réellement envoyés. Réellement reçus, surtout. Elles ont voulu nous angoisser. Et disons qu’en matière d’angoisse, justement, c’est réussi.

Le documentaire choc de Léa Clermont-Dion et de Guylaine Maroist, dans lequel quatre femmes confient l’enfer du harcèlement en ligne (par ailleurs criant d’actualité, Marwah Rizqy, ça vous dit quelque chose ?), frappe fort, certes à gros traits, mais bien.

À preuve : le film commence par un avertissement. Les images et les propos qui suivent pourraient choquer. Il est aussi grand temps que ces propos choquent un plus grand nombre, pourrait-on être tenté d’ajouter.

C’est d’ailleurs l’immense mérite de Je vous salue salope, tourné comme un thriller, dont l’affiche (les affiches, puisqu’il y en a plusieurs, assez effrayantes merci) ressemble en tous points à celle d’un film d’horreur, ce qui devrait attirer un public plus large que celui habituellement friand de ce genre de films. Et c’est le but : sensibiliser, conscientiser le plus grand nombre, faire bouger les choses, quoi. Parce que non, envoyer un « salope » par-ci, un « pendez-la » par-là, « si je te croise, je te viole », ça n’est pas innocent, comprend-on. Ressent-on, même. Ça fait mal. Et ça fait surtout des victimes.

Imaginez si, en prime, vous receviez une photo de votre tête décapitée, ensanglantée...

PHOTO FOURNIE PAR LA RUELLE

Kiah Morris, ex-représentante démocrate américaine

Quatre femmes témoignent courageusement en ce sens. Laura Boldrini, ex-présidente du Parlement italien ; Kiah Morris, ex-représentante démocrate américaine ; Marion Séclin, comédienne et youtubeuse française, et Laurence Gratton, une Montréalaise harcelée des années par un collègue de classe. On les suit à l’écran dans leur quotidien, à coup de « beeps » et autres notifications sur leurs cellulaires ou leurs ordinateurs (martelés en gros plan et, oui, il faut voir ce film quasi immersif sur grand écran, faut-il le préciser), quand ça n’est pas carrément une douille dans la poste. Ou des coups dans la porte.

Le rythme et la musique vont en s’accélérant alors que la tension monte. Oui, c’est stressant, et oui, on dirait un film d’horreur par moments. Ce n’est pas subtil, effectivement. Mais c’est voulu. Et ça marche.

Parce que la réalité dont il est ici question est effectivement une horreur.

On pourra reprocher aux réalisatrices certains raccourcis (non, la police et le système de justice ne font pas exactement rien), un petit côté un brin manichéen, mais c’est de bonne guerre : elles donnent ici la parole aux femmes, c’est leur choix éditorial, après tout, et c’est ce qu’elles ressentent dans le cas présent.

Et fort heureusement, le spectateur n’en sort pas avec un sentiment d’impuissance. C’était notre crainte, un piège dans ces films engagés, qui nous laissent souvent les bras ballants. Au contraire. On nous invite plutôt à l’action. À la mobilisation. « Il est temps de se lever », dit-on. Alors levons-nous.

Je vous salue salope est présenté en salle, en version originale française et anglaise, sous-titrée en français.

Consultez l’horaire du film
Je vous salue salope

Documentaire

Je vous salue salope

Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist

Avec Laura Boldrini, Kiah Morris, Marion Séclin, Laurence Gratton et Donna Zuckerberg

1 h 20

7/10