(Cannes) Coup de cœur

La compétition tire à sa fin et je craignais de ne pas ressentir un coup de cœur pour un film avant de quitter Cannes. Il est arrivé jeudi et a laissé mon cœur en miettes. Close du cinéaste belge Lukas Dhont (Caméra d’or en 2018 pour Girl) est un bijou de récit initiatique, autobiographique, qui se démarque par sa finesse, son intelligence, sa subtilité et la maîtrise de ses non-dits. L’histoire d’une amitié fusionnelle entre deux garçons, qui se délite au début de l’adolescence lorsque des camarades de classe les soupçonnent de former un couple, porte une charge émotive fulgurante, parfaitement dosée, d’une grande vérité. On voit rarement de jeunes acteurs aussi bien dirigés. Émilie Dequenne – la Rosetta des frères Dardenne – est particulièrement émouvante dans le rôle de la mère d’un des garçons, Rémi, et la mère quasi adoptive du deuxième, Léo. Filmé pour l’essentiel caméra à l’épaule, au plus près des personnages, Close ne nous laisse pas un instant de répit dans l’émotion, alors que son scénario est tout simple. La musique est aussi discrète que parfaite et les plans de course à travers les champs de fleurs sont absolument splendides. C’est puissant, sensible, magnifique. J’ai (enfin) trouvé ma Palme d’or.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DU FESTIVAL DE CANNES

Pacifiction

Pacifaffliction

Il y a eu un moment, pendant la projection en compétition de Pacifiction de l’Espagnol Albert Serra, alors que ce film très particulier vire au rêve halluciné, mutique et stroboscopique, où je me suis demandé si cette œuvre sur l’héritage de la colonisation en Polynésie française allait finir par se terminer. Était-ce à la 150e ou à la 160e minute de ce looooong métrage que j’ai trouvé par moments affligeant, avec ses plans interminables, sa forme narrative inédite et sa descente dans l’enfer d’Apocalypse Now (avec de la musique dance électronique) ? Je ne saurais dire. J’en ai raté des bouts. Benoit Magimel incarne De Roller, haut-commissaire pour la France à Tahiti, où se propage une rumeur de reprise imminente des essais nucléaires. De Roller semble à la fois faire de la politique locale, tremper dans des magouilles et agir à titre de « parrain » auprès de Tahitiens. Il a des intérêts variés pour une boîte de nuit tenue par Sergi Lopez (qui dit trois mots en 2 h 45), un hôtel où un diplomate portugais a perdu son passeport et un casino qui sera bientôt construit. Mais peut-être a-t-il plus à cœur que d’autres le bien-être de la population ?

PHOTO ZIP CINEMA & CJ ENM CO, TIRÉE DU SITE WEB DU FESTIVAL DE CANNES

Les bonnes étoiles

Une (autre) affaire de famille

C’est en Corée du Sud que le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda (Palme d’or de 2018 pour Une affaire de famille) a choisi de camper son nouveau film, Les bonnes étoiles. Dans le style sensible et fleur bleue qu’on lui connaît, le cinéaste de Tel père, tel fils fait le portrait d’une « famille » reconstituée bien particulière. Une fille-mère dépose son nouveau-né dans une « boîte à bébé », lieu où l’on recueille les enfants abandonnés en Corée pour les envoyer dans un orphelinat. L’employé qui trouve le bébé est de mèche avec un trafiquant d’enfants (Son Kang-ho, acteur fétiche de Bong Joon-ho), qui revend les poupons à des parents coréens. On devine qu’on est chez Kore-eda, d’abord en entendant la musique sirupeuse, ensuite parce que les méchants ont aussi un cœur tendre et des scrupules. Ils recruteront la jeune mère et un garçon de 8 ans (évadé de l’orphelinat), et cette famille dysfonctionnelle partira sur la route, de Pusan à Séoul en passant par Incheon. Avec à leurs trousses deux policières, qui espèrent – peut-être trop – les prendre en flagrant délit de vente d’enfant. C’est dans ces zones grises entre le bien et le mal que les films de Kore-eda sont les plus intéressants.