Après s’être bellement plongé dans l’univers de Denis Diderot grâce à Mademoiselle de Joncquières, son premier film d’époque, Emmanuel Mouret retrouve ses propres marques en nous offrant cette fois le plus accompli de ses longs métrages. À la fois léger et grave, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait repose en effet sur des chassés-croisés amoureux contemporains dont la nature, au fond, révèle la part la plus fragile de l’être humain.

La qualité des dialogues, magnifiquement écrits, et l’élégance du verbe ont beau emprunter la forme d’un écrin, les sentiments que dépeint le cinéaste n’en restent pas moins inavouables parfois, surtout pour ceux qui les éprouvent. Et qui ont à cœur de ne rien briser chez l’autre, même si, inévitablement, s’ouvrent des failles dans lesquelles ils ne peuvent faire autrement que de s’engouffrer. À travers plusieurs histoires sentimentales, dont certaines se recoupent, Emmanuel Mouret explore différents cas de figure. Et c’est passionnant.

Le point de départ est tout simple. Maxime (Niels Schneider), un apprenti romancier, débarque dans la maison de campagne de son cousin François (Vincent Macaigne), qu’il n’a pas vu depuis longtemps, avec la ferme intention d’écrire. Ce dernier étant retenu à Paris, Maxime se retrouve toutefois seul pendant quelques jours avec Daphné (Camélia Jordana), la conjointe enceinte de François, qu’il n’avait jusqu’alors jamais rencontrée. Un peu intimidés au départ, les deux inconnus laisseront progressivement tomber leur garde quand Maxime annonce à Daphné son projet d’écrire dans un roman des histoires de relations amoureuses, en commençant par les siennes.

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Julia Piaton, Niels Schneider et Jenna Thiam dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, un film d’Emmanuel Mouret

Une pudeur élégante

Le récit est habilement construit, entremêlant à la fois les retours en arrière et le présent, obligeant ainsi les deux protagonistes à se positionner et à confronter leurs propres sentiments. Daphné se laissant prendre au jeu, elle se livrera ainsi à des confidences intimes après que Maxime eut raconté la blessure intérieure que lui a laissée une femme tombée amoureuse de son meilleur ami. De là, l’exercice prend un envol insoupçonné, dans la mesure où chaque histoire en amène forcément une autre, selon l’impact qu’elle a eu auprès de certains personnages et la perception qu’ils en gardent. Sur ce plan, il convient de souligner la présence de Louise, qu’incarne avec brio Émilie Dequenne, lauréate du César de la meilleure actrice dans un second rôle grâce à sa performance. Femme de François, avec qui elle a eu un enfant, Louise est un peu la figure emblématique de la démarche qu’emprunte Emmanuel Mouret au profit de cette exploration sentimentale. C’est-à-dire que ce personnage incarne presque à lui seul l’aspect parfois cruel d’une relation amoureuse, sans que jamais le ton ne soit vengeur ou malveillant.

Tous les acteurs modulent d’ailleurs leurs partitions avec, chevillée au cœur, cette espèce de pudeur élégante qui révèle leurs tourments intérieurs, tout en maintenant en surface une légèreté apparente.

Et même si, dès le départ, on sent bien que cette façon de se raconter et d’échanger des histoires procède aussi d’un jeu de séduction pour les deux héros, le cinéaste propose néanmoins quelques rebondissements inattendus. Dans ce film superbe où priment des dialogues finement ciselés, taillés à même la beauté de la langue française, la musique vient souvent souligner la parole, amenant ainsi le récit vers des élans de lyrisme rarement exploités de cette façon dans le cinéma d’Emmanuel Mouret.

Retenu dans la sélection officielle du Festival de Cannes l’an dernier, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait est en salle dès ce vendredi.

AFFICHE FOURNIE PAR K-FILMS AMÉRIQUE

Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, d'Emmanuel Mouret

Drame sentimental
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Emmanuel Mouret
Avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne
2 h 02
★★★★