Pourquoi proposer 60 ans plus tard une nouvelle adaptation cinématographique de ce que d’aucuns considèrent comme un chef-d’œuvre ? À cette question, la réponse est simple : pourquoi pas ? Si A Star Is Born a déjà eu droit à quatre versions sur grand écran jusqu’à maintenant, West Side Story peut très certainement en soutenir une deuxième. Surtout quand un maître comme Steven Spielberg en signe la réalisation.

Le scénariste Tony Kushner (Angels in America) a conservé le même cadre temporel (l’intrigue est campée en 1957, l’année où la comédie musicale a été créée sur scène à Broadway), mais il met de l’avant un axe du récit abordé plus discrètement dans l’œuvre originale. Les premiers plans nous montrent ainsi des édifices qu’on démolit pour faire place à la construction à venir du Lincoln Center et d’immeubles de condos, d’évidence inaccessibles pour les citoyens qu’on évincera du quartier. La bande des Jets, formée de jeunes Blancs issus de milieux modestes, et la bande des Sharks, composée d’immigrants venus de Porto Rico, s’entretuent ainsi pour le contrôle d’un territoire appelé à disparaître à très brève échéance.

Même s’il ne s’était jamais attaqué encore à une comédie musicale, Steven Spielberg affiche sa maîtrise de la mise en scène en privilégiant une approche plus réaliste, bien que le spectateur doive évidemment accepter au préalable les conventions liées au genre. À cet égard, le réalisateur de Lincoln est resté fidèle à l’œuvre originale. Les chorégraphies de Justin Peck, magnifiquement filmées, ont aussi été redessinées à la manière de l’époque.

Soixante ans plus tard, les thèmes abordés dans le livret d’Arthur Laurents restent férocement actuels. Racisme, violence urbaine, gangs de rue, embourgeoisement, désœuvrement, fracture des classes sociales et illusion du rêve américain caractérisent un récit inspiré du classique Roméo et Juliette de Shakespeare.

Une approche respectueuse

Aussi, cette nouvelle mouture met en valeur une excellente distribution, composée de jeunes interprètes se rapprochant davantage de l’âge des protagonistes, et issus aussi de la même origine ethnique. Spielberg a volontairement choisi de mettre la langue anglaise et la langue espagnole à égalité (les passages dans la langue de Cervantès ne sont pas sous-titrés dans la version originale), par respect pour la culture latino-américaine.

IMAGE FOURNIE PAR 20TH CENTURY STUDIOS

Ansel Elgort (Tony) et Rachel Zegler (Maria) dans la nouvelle adaptation de West Side Story, réalisée par Steven Spielberg

Il convient de souligner également les multiples talents de ces interprètes (aucune voix n’a été doublée, contrairement à la version précédente), tous excellents danseurs. Rachel Zegler (Maria), Ansel Elgort (Tony), Ariana DeBose (Anita) et David Alvarez (Bernardo) se distinguent particulièrement.

Cela dit, la plus belle trouvaille de cette nouvelle adaptation réside dans la création d’un personnage expressément dévolu à Rita Moreno. Lauréate d’un Oscar en 1962 grâce à sa performance dans le rôle de la fougueuse Anita dans la première adaptation, l’actrice incarne ici Valentina, veuve portoricaine de Doc, le gringo propriétaire du restaurant où travaille Tony. En plus de faire le pont entre les deux longs métrages et entre les deux communautés, Valentina est celle à qui l’on a confié Somewhere, l’une des chansons phares de cette comédie musicale dont les musiques sont signées Leonard Bernstein et les paroles, Stephen Sondheim. Son interprétation, tout en simplicité et en émotion, nous vaut l’un des passages les plus touchants de ce film.

Il n’est pas dit que cette nouvelle version surclassera dans l’imaginaire collectif le West Side Story de 1961, ancré là depuis des décennies, mais Steven Spielberg a eu raison de vouloir rafraîchir une œuvre qui mérite d’être transmise à de nouvelles générations. Il gagne son pari haut la main.

En salle

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West Side Story

Comédie musicale

West Side Story

Steven Spielberg

Avec Rachel Zegler, Ansel Elgort, Ariana DeBose

2 h 36

8/10