La carrière d’une enseignante est menacée après la fuite sur l’internet d’une vidéo privée de nature sexuelle qu’elle a tournée avec son mari. Cette femme refuse cependant de céder sous la pression des parents qui réclament son licenciement.

Cette comédie dramatique, lauréate de l’Ours d’or du festival de Berlin cette année (et candidate roumaine aux Oscars dans la catégorie du meilleur film international), commence avec une première transgression. Radu Jude, cinéaste prolifique dont le long métrage le plus connu sur le plan international est Aferim !, présente d’entrée de jeu une scène sexuellement très explicite, d’un genre habituellement relégué au cinéma porno.

Il appert que la vedette de cette performance filmée n’importe comment est Emi (Katia Pascariu), une enseignante sans histoire et appréciée de tous qui, à son grand étonnement, a vu ce film maison, tourné par son mari (covedette plus anonyme de la séquence), se retrouver sur l’internet. C’est là que ça devient intéressant. Radu Jude, qui porte à l’écran un scénario qu’il a lui-même écrit, a visiblement voulu provoquer le spectateur dès le départ pour ensuite l’entraîner dans une réflexion sur la notion d’indécence et d’obscénité, à géométrie variable selon la nature du « scandale ».

Sur le ton de la satire, empruntant parfois un humour très grinçant, le récit met en contraste l’indignation – voire l’hypocrisie – de certains parents, qui voient en cette enseignante le pire exemple de dépravation et d’immoralité (mais qui n’hésitent pas à se repasser la séquence collectivement et à la commenter), et l’indifférence générale face à l’incivilité de notre époque. Il est à noter que ce long métrage tient aussi compte du contexte pandémique, ce qui ajoute à l’aspect un peu surréaliste de l’ensemble.

Plutôt que de s’écraser devant l’humiliation qu’on tente de lui faire subir, Emi renvoie plutôt à ses détracteurs des œuvres de grands poètes du pays pendant que le cinéaste, à la faveur d’un montage hallucinant où tout s’entremêle, rappelle des moments de l’histoire de la Roumanie teintés de sexisme, de racisme, de collaboration fasciste (sans oublier l’époque du régime Ceaușescu), et bien d’autres choses encore. Il tient aussi à traduire le cadre urbain agressant de Bucarest, dans lequel Emi doit évoluer quotidiennement.

Bad Luck Banging or Loony Porn (Mauvaise baise ou porno barjo est le titre québécois – bravo à la personne qui l’a trouvé !) ne fera certes pas l’unanimité, mais il a le mérite de mettre en lumière les contradictions de la société moderne.

En salle en version originale roumaine avec sous-titres français ou anglais.

Bad Luck Banging or Loony Porn

Comédie dramatique

Bad Luck Banging or Loony Porn

Radu Jude

Avec Katia Pascariu, Claudia Ieremia, Olimpia Malai

1 h 46

7/10

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