On aurait pu craindre une joute dont les dés sont pipés d’avance entre les tenants du wokisme (mot désormais archi galvaudé), les adeptes du repli identitaire, les Québécois « de choix » et les Québécois « de souche ». Autrement dit, on aurait pu craindre le pire face à des sujets aussi sensibles et délicats (l’éducation, l’immigration, la foi), qui ne pourraient être plus brûlants d’actualité. Or, Une révision est une franche réussite. Voilà une œuvre qui pourrait même contribuer à enrichir notre débat de société.

En portant à l’écran un scénario écrit par Louis Godbout (Mont Foster) et le romancier Normand Corbeil, deux anciens professeurs de philosophie, la réalisatrice Catherine Therrien, qui compte en outre à son actif les séries District 31 et Fourchette, propose un récit palpitant sur le plan des idées, et parvient à éviter les nombreux pièges qui se posaient devant elle. Sans aucun manichéisme, elle laisse la part belle aux échanges, tout en illustrant aussi les angles morts qui surgissent dans les visions respectives des protagonistes, tout autant que les nôtres.

Tout commence avec Nacira (Nour Belkhiria), une cégépienne qui, dans le cadre d’un travail scolaire, cite un passage poétique du Coran, même si l’utilisation de textes religieux, peu importe leur provenance, est proscrite. Très ouvert d’esprit, Étienne (Patrice Robitaille), son professeur de philosophie, se voit pourtant dans l’obligation d’attribuer une plus mauvaise note à son élève à cause de cette entorse aux règles établies.

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Nour Belkhiria dans le rôle de Nacira

Dans Le brio, qu’Yvan Attal a réalisé il y a quelques années, Daniel Auteuil incarnait un prof qui utilisait son autorité pour imposer ses idées et ses propos provocants – limite fachos – en visant directement une étudiante de confession musulmane. La dynamique, ici, est complètement différente. En contestant la note qu’on lui a décernée, injuste à ses yeux, Nacira ne cherche pas l’affrontement, mais plutôt une discussion, qu’accueille d’ailleurs volontiers Étienne. C’est à partir du moment où l’établissement scolaire s’en mêle – avec son cortège de comités – que l’affaire s’embrouille.

Semer le doute

Ainsi, Une révision n’est pas tant un film sur les grands principes philosophiques que sur l’encadrement que l’on fait de ces principes dans un cadre scolaire. Dans un système où l’on ne veut déplaire à personne, où l’on tient à ce que chaque élève obtienne la note de passage, où l’on prône l’inclusion à tout prix, voilà qu’un paragraphe dans une dissertation sème le doute des deux côtés de l’argumentaire. Avec, à la clé, une instrumentalisation des deux protagonistes par l’établissement chargé de rendre une décision. C’est la plus belle astuce d’un scénario qui a lui-même été « révisé » plusieurs fois.

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Patrice Robitaille dans Une révision, un film réalisé par Catherine Therrien

Nour Belkhiria (révélée grâce à Antigone) et Patrice Robitaille offrent de remarquables performances, dans un long métrage où se démarquent aussi de solides comédiens – Édith Cochrane, Rabah Aït Ouyahia, Pierre Curzi notamment – dans des rôles périphériques. Bien que imparfait sur le plan dramaturgique (une histoire impliquant une autre élève semble avoir été greffée artificiellement au scénario et l’on flaire trop le compromis dans la scène finale), il reste qu’en guise de premier long métrage, Catherine Therrien frappe très fort, là où il faut.

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Une révision

Drame

Une révision

Catherine Therrien

Avec Patrice Robitaille, Nour Belkhiria, Rose-Marie Perreault

1 h 33

8/10