Méfiez-vous de l’eau qui dort, dit le dicton. Si Stillwater emprunte son nom à une petite ville industrielle de l’Oklahoma, son titre fait aussi référence à la personnalité de Bill Baker (Matt Damon), héros du nouveau film de Tom McCarthy.

Un archétype du mâle américain écorché de l’ère Trump : veuf, col bleu, un peu « redneck » et très chrétien, alcoolique repenti et proarmes… (Enfin, on ignore si Bill est un républicain pur et dur, comme son Oklahoma natal. Lorsqu’on lui demande s’il a voté pour Trump, il répond qu’il n’a pas voté… parce qu’il était en tôle.)

Fermé, rigide, voire impénétrable, Bill Baker a toutefois un cœur tendre sous sa carapace de dur à cuire. Le film commence lorsqu’il arrive à Marseille pour visiter sa fille détenue en prison (Abigail Breslin, un peu caricaturale). Avant le drame, sa fille avait entamé des études à Marseille, pour s’éloigner de l’Oklahoma mais surtout de son père absent. Or, la jeune femme a été accusée du meurtre de sa copine arabe, un homicide qu’elle jure n’avoir jamais commis.

PHOTO JESSICA FORDE, FOURNIE PAR FOCUS FEATURES

Abigail Breslin joue la fille de Matt Damon dans Stillwater.

Confronté au barrage de la langue (Bill ne parle pas un mot de la langue de Molière) et à un système judiciaire complexe, le héros américain se fait un point d’honneur d’innocenter sa fille. Et quand il a une idée en tête, rien ne peut l’arrêter ! Dans sa quête, il tombe sur Virginie (Camille Cottin, très juste), une actrice de théâtre qui élève seule sa fille. Virginie va gentiment lui offrir de l’aider, tant pour prolonger son séjour que pour obtenir la liberté de sa fille.

Long et trop chargé

Tom McCarthy (Spotlight, Win Win) raconte ici une touchante rencontre entre deux solitudes que tout sépare dans la vie. Il le fait en filmant Marseille, son port et ses collines, la Provence et ses calanques, avec le regard émerveillé d’un Américain en villégiature. La première partie met lentement la table ; la deuxième verse dans le thriller, sans oublier la romance. On ne réunit pas deux stars de deux continents pour les faire dormir sur le canapé.

Le scénario (écrit par McCarthy et trois autres scénaristes) est trop chargé de scènes fort belles, mais inutiles. En plus de nous raconter l’histoire de Bill en parallèle à celle de Virginie, le cinéaste aborde des problèmes sociopolitiques, comme l’immigration, le racisme, pour démontrer que l’Amérique n’a pas l’apanage de l’intolérance. D’accord, mais dans un thriller ? On a aussi droit à une scène avec les partisans de l’Olympique de Marseille en liesse ! Bref, c’est long (140 min) pour rien, comme si le réalisateur ne fait pas confiance à son histoire à la base…

Dans la peau de l’écorché Bill Baker, Matt Damon est excellent. Il est difficile de prédire les choix de l’industrie hollywoodienne, mais à notre avis, la performance de l’acteur est « oscarisable ». Son rustre ouvrier écorché et en quête de rédemption a tout pour plaire à Hollywood.

Qui plus est, il n’y a pas de happy end, mais une fin ouverte, philosophique.

« Il n’y a pas de vérité », dit d’ailleurs le personnage du metteur en scène de la troupe de Virginie dans Stillwater. Probablement parce qu’il existe autant de vérités que d’êtres humains sur Terre. Il y a la vérité d’un foreur de pétrole chrétien de l’Oklahoma ; et celle d’une actrice française, intello et mère de famille monoparentale. Entre ces deux réalités aux antipodes, il y a un océan de nuances et de mystères aussi profond que le cœur humain. Lorsque Bill comprendra cela, il pourra commencer à aimer.

En salle

Stillwater

Drame / thriller

Stillwater

Tom McCarthy

Avec Matt Damon, Camille Cottin, Abigail Breslin

2 h 20 min

7/10

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