Nouveau film du tandem Ricardo Trogi-Louis Morissette, Le guide de la famille parfaite se penche sur le phénomène des parents qui en font trop avec leurs enfants. Trop d’activités, trop de planning, trop d’encadrement, trop de bouffe santé. Trop de règles. Or, à force de multiplier les exemples, le film en fait justement… trop !

La conséquence ? Une transition bancale entre le volet comédie, largement exploité dans le premier tiers, et un développement nettement plus dramatique dans le reste du film. Certains aspects de l’histoire sont à notre avis surexposés alors que d’autres segments auraient mérité plus d’attention.

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Louis Morissette et Émilie Bierre dans Le guide de la famille parfaite

A contrario, le film possède des qualités certaines qui font passer le message et feront vibrer les cordes sensibles de nombreux spectateurs. Ils se reconnaîtront, à des degrés divers, dans l’un ou l’autre des personnages. Et ils auront des réactions variées : rire, malaise, peut-être même colère. Certains en tireront leçons et réflexions. Les artisans pourront alors dire : mission accomplie.

On doit reconnaître au tandem Morissette (scénario)/Trogi (réalisation) la noblesse de faire des films ancrés dans l’univers québécois qui nous parlent et nous touchent. Des films qui hument aussi l’air du temps. Comme dans ce passage, très court et réussi (tourné avant la pandémie), au début de l’œuvre dans lequel des parents s’affrontent sur les valeurs de la vaccination.

Louis Morissette en « surpère »

Le film examine, voire critique, le phénomène de la « surparentalité » (overparenting) dans une société où la réussite se conjugue à la performance et au paraître. Martin (Louis Morissette) est le père de Rose (Émilie Bierre), finissante du secondaire. Jugeant sa carrière insatisfaisante, Martin se projette dans la réussite de Rose, née d’une première union. Celle-ci est soumise à un calendrier interminable d’activités. À la maison, les tuteurs se succèdent. Traquant les résultats scolaires, son père consulte davantage le portail de l’école que les courriels de son bureau.

En marge, Marie-Soleil (Catherine Chabot), jeune compagne de Martin et mère de Mathis (Xavier Lebel), un gamin que Martin a consenti à avoir à la condition que sa conjointe s’occupe de tout, tente d’être une mère parfaite et, surtout, de le faire savoir avec insistance à travers les réseaux sociaux.

Les exemples pour illustrer ce désir de perfection, que ce soit chez Martin avec Rose ou chez Marie-Soleil avec Mathis, sont trop nombreux. Certains font dans la redite (Mathias qui refuse son repas), d’autres sombrent dans la caricature ultra-prévisible comme le mâchouillage du pain bio.

Cela laisse en plan certains développements qui auraient mérité plus d’attention comme l’entente entre les conjoints sur le petit Mathis. Ce fameux « deal », comme c’est dit dans le film, arrive soudainement de nulle part.

Par ailleurs, on sait que Rose a des amis, mais on ne les voit jamais et c’est dommage. Sa seule amie est sa mère Caroline (Isabelle Guérard), nettement plus immature qu’elle. On comprend qu’en faisant ce choix scénaristique, les auteurs ont voulu montrer que Rose est tellement abonnée à la réussite qu’elle a peu de temps à consacrer à ses amis. Mais on sent un manque de réalisme de ce côté.

Émilie Bierre sans faille

Heureusement, Émilie Bierre incarne son rôle avec brio. Elle a toujours la bonne expression, le bon regard, le bon geste pour faire sentir les sentiments qu’elle traverse. Son jeu sans faille tire l’histoire vers le haut. C’est elle qui porte le ballon pour faire passer le message.

Certains feront une comparaison entre ce film et Le mirage du même tandem, sorti en 2015. Même si les thématiques et les personnages sont très différents, nous avions beaucoup aimé ce film auquel nous avions attribué une meilleure note. La différence tient au fait que Le mirage était mieux ficelé, resserré, ramassé et que la mise en scène restait concentrée autour des quatre personnages. Alors qu’ici, on s’éparpille dans des avenues et des personnages secondaires qui édulcorent l’histoire centrale.

Fidèle à son habitude, le réalisateur Ricardo Trogi a par ailleurs truffé son film de plusieurs chansons bien connues. Il a aussi soigné ses génériques d’ouverture et de fermeture. Hommage senti et réussi aux familles de ce monde, aussi imparfaites soient-elles.

En salle

Le guide de la famille parfaite

Comédie dramatique

Le guide de la famille parfaite

Ricardo Trogi

Avec Louis Morissette, Émilie Bierre, Catherine Chabot

1 h 42

6/10