Il est quand même fascinant de constater à quel point les mouvements contestataires de la fin des années 60 — et la répression qu’ils ont dû subir — resurgissent dans la mémoire collective américaine de notre époque comme une répétition de l’histoire. À cet égard, on peut voir Judas and the Black Messiah comme une œuvre complémentaire à The Trial of the Chicago 7.

La démarche de Shaka King, réalisateur qui, huit ans après Newlyweeds, propose ici un deuxième long métrage destiné au grand écran, se distingue cependant de celle d’Aaron Sorkin, dans la mesure où le récit, inspiré de faits vécus, se concentre uniquement sur Fred Hampton, leader du mouvement Black Panther dans l’Illinois. Comme le titre du film l’indique, ce drame biographique poignant évoquera la trahison d’un allié, laquelle aboutira tragiquement à l’assassinat du leader dans son appartement, pendant son sommeil, lors d’un assaut mené par le FBI et les forces policières de Chicago. Il était âgé de 21 ans.

Daniel Kaluuya, cité aux Golden Globes et aux Screen Actors Guild Awards dans la catégorie du meilleur acteur, se glisse dans la peau d’un jeune homme dont l’ascendant sur les foules l’a tout de suite rendu suspect aux yeux des autorités, y compris au sein des plus hautes instances du FBI, dirigé alors par J. Edgar Hoover (Martin Sheen). Tous les moyens étant bons pour neutraliser le militantisme afro-américain, surtout celui véhiculé par un mouvement revendiquant le socialisme et la révolution, l’organisation n’a pas hésité à utiliser des moyens plus souterrains pour parvenir à ses fins.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

LaKeith Stanfield et Jesse Plemons dans Judas and the Black Messiah, un film de Shaka King

Le scénario (coécrit par Will Berson et le cinéaste d’après une histoire de Kenneth et Keith Lucas) est ainsi axé sur la façon dont un agent du FBI (Jesse Plemons) s’y est pris pour atteindre Hampton en recrutant William O’Neal (excellent LaKeith Stanfield), jeune paumé voleur de bagnoles, dont la mission a été de s’infiltrer dans le mouvement Black Panther, d’obtenir la confiance du leader et même de développer une amitié avec lui.

À hauteur d’humain

La grande qualité de ce long métrage est de maintenir son récit à hauteur d’humain en évitant les clichés et en le dépouillant de tout manichéisme.

Cela dit, il y a aussi l’histoire, forcément choquante. King la raconte de façon captivante, grâce à une mise en scène évoquant l’esprit de l’époque, sans jamais tomber dans la caricature. Il est aussi indéniable que ce film, dans lequel on fait notamment écho au style du grand cinéma américain des années 60 et 70, gagnerait à être vu sur grand écran.

AFFICHE FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Judas and the Black Messiah, de Shaka King

Le cinéaste peut par ailleurs s’appuyer sur une grande performance de son acteur principal. Entouré d’une impeccable distribution d’ensemble, l’acteur britannique Daniel Kaluuya donne à son personnage le charisme et la force tranquille du leader au destin tragique. Plus de 50 ans après les évènements, l’actualité nous rappelle à quel point il est important de revisiter certains chapitres douloureux de l’histoire afin d’en déterrer des racines trop profondes.

Judas and the Black Messiah est offert en vidéo sur demande en version originale anglaise, avec option de sous-titres français.

★★★★

Drame biographique. Judas and the Black Messiah. Shaka King. Avec Daniel Kaluuya, LaKeith Stanfield, Jesse Plemons. 2 h 06.