Il y a, dans le film Le rire, un personnage secondaire et muet de peintre maudit. Dans un délire créatif, ce dernier répand de façon chaotique des giclées de peinture autour de lui. Ces scènes illustrent malheureusement l’impression générale que nous laisse ce film qui s’en va dans toutes les directions sans aboutir nulle part.

On dit malheureusement parce qu’en dépit de la sévérité avec laquelle nous accueillons sa proposition, il faut reconnaître au scénariste et réalisateur Martin Laroche le désir légitime de faire différent, dans la forme comme dans les thèmes, et d’avoir réuni une belle équipe d’acteurs. À commencer par Léane Labrèche-Dor qui casse ici (c’est ce qu’elle souhaitait) l’image d’actrice vouée à la comédie que d’aucuns lui accolent faussement.

Qu’est-ce qui cloche alors ? Tout. Un scénario qui manque cruellement de profondeur, des dialogues inégaux, une mise en scène tellement éclatée qu’on s’y perd. En fin de compte, on reste avec le sentiment très fort de n’avoir pas cru une seconde à ce récit.

Ça commence dès le début avec une scène d’exécution qui rappelle sans détour le génocide des Juifs commis sous le régime nazi. Or, nous sommes ici dans un Québec plongé dans une guerre civile. Condamnée à mort, Valérie (Labrèche-Dor) va s’en sortir miraculeusement, ce qui n’est pas le cas de son amoureux.

Quelques années plus tard, devenue préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD (belle idée, car peu exploitée à l’écran), Valérie se débat avec le syndrome du survivant, ce qui l’empêche de s’épanouir dans sa relation avec son nouvel amoureux Gabriel (Alexandre Landry). Elle trouve du réconfort et un certain sens à sa vie auprès de Jeanne (Micheline Lanctôt), patiente paraplégique de l’établissement.

Mais d’où vient cette guerre civile ? Comment a-t-elle commencé ? Et comment se fait-il que la société semble si calme quelques années à peine plus tard ? Comme si tout avait été aplani. Où sont les stigmates de ce conflit ? Dans la folie des personnages secondaires ? Pas certain…

D’ailleurs, ces personnages secondaires ont l’air davantage « plantés » dans le décor que moulés à l’histoire, comme ces deux femmes de la scène finale (et ratée) qui sortent littéralement de nulle part.

Et que dire de la scène du soliloque de la directrice des ressources humaines (Évelyne Rompré) du CHSLD, avec son vocabulaire de fonctionnaire engoncée dans la rigidité du système ? On a vu pratiquement la même scène dans Les invasions barbares de Denys Arcand. Un hommage, peut-être ?

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Le rire, de Martin Laroche

Là où le film nous a rejoint, c’est dans les efforts déployés par Valérie pour s’extirper de son mal. La façon dont elle revient à la vie après la scène d’exécution est une magnifique métaphore. Et le passage où elle fait un stand-up sur scène est écrit avec grande justesse, pour nous rappeler qu’après le deuil, on a le droit de rire.

Mais voilà, encore une fois, ce passage sort de nulle part. Ce qui nous fait émettre l’hypothèse qu’au fond, toute cette histoire se déroule dans la tête de l’héroïne. Est-ce cela ? Oui ? Non ? Pourquoi faut-il, de notre côté de l’écran, essayer de tout démêler ?

« Il en faut, des films où le spectateur n’a pas toutes les explications », disait M. Laroche plus tôt cette semaine en entrevue avec La Presse. Il ne faut quand même pas charrier.

En somme, il y a de quoi pleurer.

★½

Le rire. Un drame de Martin Laroche. Avec Léane Labrèche-Dor, Micheline Lanctôt et Alexandre Landry. 2 h 03.

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