L’expérience acquise par Emmanuel Hamon dans le domaine du film documentaire, sans oublier son passé d’assistant de cinéastes réputés – Maurice Pialat et Patrice Chéreau notamment –, est utilisée à bon escient dans ce premier long métrage de fiction, inspiré d’une affaire réellement survenue il y a quelques années. Exfiltrés, présenté lors du festival Cinemania de Montréal l’automne dernier, est en effet un thriller haletant, dont les ramifications, sociales, politiques et religieuses sont bien évoquées sans que jamais le récit ne sombre dans la démagogie.

Sylvain (Swann Arlaud, Grâce à Dieu) commence à s’inquiéter le jour où il apprend que le voyage de sa femme, Faustine (Jisca Kalvanda, Divines), à Istanbul, avec leur fils de 5 ans, n’a rien de la mission humanitaire qu’elle devait mener là-bas dans une maternité avec une amie. Récemment convertie à l’islam, cette assistante sociale, apparemment heureuse dans son pays natal, s’est plutôt rendue dans la métropole turque afin de passer la frontière syrienne et d’y rejoindre les rangs du groupe État islamique. Dont elle découvrira un peu trop tard les méthodes radicales.

Le titre du film fait écho à l’opération, délicate et dangereuse, qui sera orchestrée afin de rapatrier Faustine et son petit garçon en France. L’exfiltration ne sera pas organisée par le gouvernement français, qui préfère ne pas s’en mêler, mais grâce à Gabriel (Finnegan Oldfield, Marvin ou la belle éducation), le fils du chef de service de l’hôpital (Charles Berling) où Sylvain, qui fait partie du personnel médical, est l’un de ses plus proches collègues. 

IMAGE FOURNIE PAR TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE

Affiche du film Exfiltrés

Connaissant bien le terrain pour avoir travaillé auprès de réfugiés syriens en Turquie, Gabriel, bien au fait des risques, se fait d’abord tirer l’oreille, mais consentira à faire l’impossible, en compagnie d’un résistant rebelle (Kassem Al Khoja) qu’il connaît bien et en qui il a confiance.

Sans complaisance ni didactisme

D’une efficacité redoutable, toujours sous haute tension, le récit ne tombe pourtant jamais dans la complaisance ni dans la démonstration géopolitique ou didactique. Au cœur de cette histoire figurent plutôt un homme désemparé devant la radicalisation de la femme qu’il aime et une femme désespérée coincée à Raqqa, qui se retrouve dans une prison dont la porte semble être à jamais verrouillée à double tour.

Campé dans un contexte réaliste, Exfiltrés n’en assume pas moins sa mécanique fictionnelle. À cet égard, il convient de souligner les excellentes performances des acteurs, d’autant que Hamon a manifestement voulu éviter tout manichéisme dans son approche. Cette neutralité affichée pourrait cependant être interprétée comme une absence de point de vue, dans la mesure où l’on sent bien la volonté du cinéaste de ne pas trop s’avancer sur un terrain déjà miné et fort complexe.

D’une certaine façon, Emmanuel Hamon invite le spectateur à tirer ses propres conclusions. Et c’est bien ainsi.

Exfiltrés est offert sur Apple TV, Google Play et YouTube en version originale française, où il apparaît néanmoins parfois sous son titre anglais, Escape from Raqqa.

★★★½

Thriller. Exfiltrés d’Emmanuel Hamon. Avec Swann Arlaud, Finnegan Oldfield, Jisca Kalvanda. 1 h 42