On serait tenté, puisqu’elle s’est éteinte quelques semaines seulement après la présentation de son tout dernier film à la Berlinale, en février dernier, de parler de ce film autobiographique comme d’une œuvre en forme de testament. Mais ce serait très réducteur.

Écoutez bien Agnès Varda parler de son travail dans ce film construit autour de sa filmographie et de quelques causeries données ces dernières années. Écoutez bien la générosité du cœur dans ces leçons, de vraies leçons, de cinéma où il est question tant de sujets que de techniques. Écoutez le ton de sa voix, jamais blasé, toujours amusé, toujours empreint de ce précieux bonheur d’apprendre qu’on associe bien davantage à l’enfance qu’à la vieillesse.

En fait, écoutez bien Agnès Varda redonner. Parce que c’est bien ça qu’elle fait dans ce film. 

Elle redonne ce que sa vie, immense et riche, lui a apporté. Sans rien demander en échange, si ce n’est notre attention. Et cette attention, elle est facile à obtenir pour la simple raison que son film est excellent. Limpide. Lumineux. Généreux.

Avec sa voix chaleureuse, la cinéaste d’origine belge nous prend par la main et nous guide, sans rien bousculer, à travers sa vie professionnelle faite de films de fiction et de documentaires, mais aussi de photographies (et pas les moindres) et d’installations.

Agnès Varda est une vraie artiste, non seulement en raison de la beauté esthétique et narrative de ses films, mais aussi pour son sens jamais assouvi de la découverte. Dans une carrière de six décennies, elle a fait corps avec le temps et s’est jetée tête première dans de nouvelles technologies pour mieux se réinventer.

Le plus beau passage du film à ce propos survient lorsqu’elle raconte qu’au tournant de l’an 2000, elle a utilisé une caméra numérique portative, nouveauté sur le marché, pour faire un film intimiste, Les glaneurs et la glaneuse, pour parler du phénomène du dumpster diving.

Tout en faisant un ou deux pas de côté, la cinéaste raconte sa carrière dans un ordre chronologique. Elle ouvre avec plaisir des parenthèses dans son récit pour parler de gens (artistes, techniciens ou simples citoyens) qui l’ont marquée. Son échange avec Sandrine Bonnaire, la vedette de son film Sans toit ni loi, est particulièrement touchant.

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Varda par Agnès, d’Agnès Varda

Elle est aussi capable de parler, sans s’apitoyer, de ses échecs. Comme celui de son film Les cent et une nuits de Simon Cinéma. Et bien sûr, elle fait une place particulière, mais sans insister, à son grand amour, Jacques Demy, avec qui elle a eu son enfant Mathieu. Sa fille Rosalie était issue de l'union entre Varda et Antoine Bourseiller.

Ce film complète à merveille une autre œuvre d’Agnès Varda, Les plages d’Agnès. Et même si on connaît peu son œuvre, il fait la démonstration de tout son talent. Allez-y donc sans hésiter. 

Agnès Varda avait une grande maîtrise du temps. Elle l’accompagnait, comme elle le dit dans un passage du film. Elle mettait ses pas dans ceux du temps. Et lorsque le temps est venu de nous dire au revoir, elle s’est évanouie, vous le verrez à la toute fin du film, dans un grand tourbillon de sable. En nous laissant un immense sentiment de bonheur.

Tout cela est magnifique.

★★★★

Varda par Agnès, d’Agnès Varda. Avec Agnès Varda, Sandrine Bonnaire, Nurith Aviv et Hervé Chandès. 1 h 55.

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