Noah Baumbach (Frances Ha, The Meyerowitz Stories) nous offre un film exceptionnel. Nous n’avions pratiquement pas vu une étude de couple aussi vibrante et éloquente depuis celle qu’avait réalisée dans les années 70 le maître Ingmar Bergman avec ses fameuses Scènes de la vie conjugale. Dans ses grandes années, Woody Allen, concitoyen new-yorkais de Baumbach, a aussi exploré le sujet de brillante façon.

L’histoire est simple. En apparence, Nicole (Scarlett Johansson) et Charlie (Adam Driver) forment un couple idéal. Ils vivent ensemble depuis une dizaine d’années, ont un fils de 8 ans, adorable. Ils habitent New York, où Charlie s’est établi une assez bonne réputation à titre de metteur en scène de pièces branchées, dont Nicole, une actrice, est souvent la muse. Quand on fait leur connaissance, Nicole et Charlie couchent sur papier, chacun de leur côté, ce qu’ils aiment de leur partenaire en décrivant les qualités — ou défauts — qui entretiennent leur sentiment amoureux envers l’autre. « Elle sait quand il faut me pousser et quand me laisser la paix », dit-il. « Il s’habille bien, pleure facilement au cinéma et il adore être un père. Il aime tellement ça que c’en est presque achalant », dit-elle.

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Adam Driver et Scarlett Johansson dans Marriage Story

On comprend vite que les deux époux se prêtent à cet exercice à la suite d’une demande de médiation. Visiblement, le portrait n’est pas aussi lisse qu’il y paraît. Le conflit s’exacerbe quand Nicole accepte la proposition d’aller tourner à Los Angeles, la ville où elle a grandi et où habitent les siens, l’émission pilote d’une série télévisée dans laquelle elle tiendrait un rôle important. Elle compte dès lors s’établir de nouveau dans la cité des anges avec son fils. S’il veut obtenir la garde parentale partagée, Charlie doit aussi avoir un pied-à-terre là-bas. Des avocats s’en mêleront (Alan Alda et Ray Liotta du côté de Charlie, Laura Dern, hallucinante, du côté de Nicole).

Poignant, mais aussi drôle

Grâce à sa virtuosité d’écriture, Noah Baumbach parvient à moduler subtilement l’espèce de dérive des sentiments dans laquelle sont entraînés les personnages. À travers ce couple s’exprime non seulement la somme des petites et grandes frustrations intimes s’étant accumulées au fil des ans, mais aussi la rivalité entre New York et Los Angeles, entre le théâtre et la télévision, voire entre les juridictions de deux États différents. 

Comment deux êtres faits l’un pour l’autre, qui s’aiment toujours, peuvent-ils en arriver à se déchirer à ce point ? Le cinéaste, qui s’est inspiré de son propre divorce avec l’actrice Jennifer Jason Leigh pour écrire ce film, expose tous les aspects de l’affaire avec une incroyable liberté de ton. Marriage Story, aussi poignant soit-il, est en effet un film très drôle par moments. La scène où la mère (Julie Hagerty) et la sœur de Nicole (Merritt Wever) s’organisent pour que Charlie reçoive officiellement la demande de divorce relève carrément d’une pure screwball comedy

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Marriage Story

Baumbach maîtrise à la perfection cet équilibre — extrêmement difficile à atteindre — entre le drame et la comédie.

Dans ce film, qui devrait en principe obtenir son bon lot de citations aux Oscars, Scarlett Johansson et Adam Driver livrent leurs meilleures performances en carrière.

Marriage Story prend l’affiche le 22 novembre à Montréal au Cinéma Moderne (avec des sous-titres français), ainsi qu’au Cinéma Dollar (en version originale). La Cinémathèque québécoise l’inclura dans sa programmation dès le 25 novembre, et Netflix le diffusera à compter du 6 décembre.

★★★★½

Marriage Story, de Noah Baumbach. Avec Scarlett Johansson, Adam Driver, Laura Dern. 2 h 16.

> Consultez l’horaire du film : https://ouvoir.ca/2019/marriage-story