L’atmosphère est rougie par le feu des armes, seuls quelques troncs déchirés par les obus se dressent encore dans le sol boueux. C’est l’horreur de la Première Guerre mondiale qui se déroule devant les yeux du jeune John Ronald Reuel Tolkien, mais c’est le Mordor que l’on voit.

Impuissant, il voit les soldats britanniques décimés par les tirs allemands, mais les balles se transforment en une nuée sombre qui va bientôt s’élever en une immense figure cauchemardesque, celle du Seigneur des ténèbres, Sauron.

Voilà l’une des séquences de « réalité accentuée » du film Tolkien, qui permet de plonger au cœur de l’imaginaire bouillonnant du célèbre auteur, qui allait devenir le père de la littérature fantastique moderne.

Il ne faut pas s’y méprendre, le long métrage réalisé par le cinéaste finlandais Dome Karukoski a tout du drame biographique traditionnel et n’a absolument rien à voir avec The Lord of the Rings de Peter Jackson.

Justement, le réalisateur aurait sans doute pu laisser entrer un peu plus de fantaisie dans son film afin de dynamiser le rythme, un peu lent. Mais c’est le point de vue d’un amateur du genre qui est exposé ici.

Cela dit, l’essentiel du message passe bien, les émotions aussi : on est avec Tolkien alors qu’il sert à titre d’officier pour l’armée britannique dans les tranchées de la Somme ; on comprend d’où est venue l’inspiration qui l’a amené à créer la Terre du Milieu.

De facture plutôt classique, le film retrace le parcours du jeune homme, initié à la mythologie scandinave par sa mère Mabel, qui va mourir prématurément. C’est donc le père Francis Morgan qui verra à l’éducation du jeune Tolkien. Ce dernier va fréquenter les bonnes écoles de Birmingham avant d’aller étudier la philologie à la prestigieuse Université d’Oxford.

Au fil de ses années d’études, il se lie d’amitié avec des garçons de bonne famille aux aspirations artistiques – ils forment ensemble le Tea Club and Barrovian Society, une « communauté » d’amis qui sera détruite par les affres de la guerre. L’amitié est un thème que l’on retrouvera bien sûr dans l’œuvre de Tolkien.

IMAGE FOURNIE PAR FOX SEARCHLIGHT

Tolkien, de Dome Karukoski

La guerre ne pourra toutefois le séparer de l’amour de sa vie, Edith Bratt, orpheline comme lui. La scène où les deux jeunes amants se retrouvent dans un restaurant chic met d’ailleurs en lumière la performance remarquable des acteurs Nicholas Hoult et Lily Collins.

La fable inventée sur-le-champ par le jeune Tolkien est aussi d’une réelle beauté – c’est une petite initiative scénaristique du réalisateur Karukoski qui permet d’évoquer l’histoire des Arbres de Valinor, parue dans Le Silmarillion.

Évidemment, les puristes vont trouver à redire à certaines libertés prises par le réalisateur. Il reste que l’on sort de la salle avec un respect décuplé pour cet homme qui, en se laissant guider par son imaginaire, a su influencer des générations de créateurs.

★★★½ Tolkien. Drame de Dome Karukoski. Avec Nicholas Hoult, Lily Collins, Colm Meaney. 1h52.

> Consultez l’horaire du film