Janvier 1972. Aretha Franklin, déjà auréolée de gloire, chante deux soirs de suite dans une église de Los Angeles accompagnée par le révérend James Cleveland, un vieil ami de sa famille, et un chœur gospel. Sydney Pollack a capté l’événement sur pellicule, mais n’a jamais fini le film en raison de problèmes de synchronisation de la bande-son et des images. Il a été mené à terme par Allan Elliott, qui en restitue la grandeur toute simple.

L’image qui résume Amazing Grace arrive vers la 20e minute : Aretha Franklin chante derrière le lutrin, là où, en temps normal, se tiendrait le pasteur. Elle est là, humble et pourtant d’une présence majuscule, à mener la célébration. Avec son charisme. Avec sa foi. Avec sa joie. Avec sa si belle et si puissante voix.

La beauté de ce film, c’est précisément ça : cette absence de prétention. Aretha est le cœur battant de ce film dépouillé, mais elle n’en est pas la star. Pas la seule, à tout le moins. C’est-à-dire que si les gens sont rassemblés pour l’entendre, elle, ils sont aussi là pour participer à une célébration religieuse où tout le monde est invité à prendre sa place : le chœur (formidable, sous la direction enthousiaste d’Alexander Hamilton), comme les membres de la communauté.

L’album tiré de ces concerts, aussi intitulé Amazing Grace et paru dès 1972, donnait déjà à entendre leur grandeur. Il demeure le plus grand succès discographique de la reine du soul et l’album gospel le plus vendu de tous les temps.

IMAGE FOURNIE PAR ELEVATION PICTURES

Amazing Grace, d'Allan Elliott et Sydney Pollack

Voir Aretha chanter ces airs inscrits dans son âme et celle des gens réunis dans l’église donne par contre une meilleure idée de leur portée et, surtout, du sous-texte de l’événement.

Martin Luther King a été assassiné quatre ans plus tôt. C’est aussi en 1968 que Tommie Smith et John Carlos ont levé le poing aux Jeux de Mexico. La fin de la ségrégation raciale est toute récente (1964) et les émeutes de Detroit (1967), encore plus. Amazing Grace est donc bien plus que la célébration d’une icône : c’est celle de l’espoir de toute une communauté. Sans contredit un précieux documentaire social, culturel et musical.

★★★★ Amazing Grace. Documentaire d'Allan Elliott et Sydney Pollack. Avec Aretha Franklin, le révérend James Cleveland, Alexander Hamilton et le Southern California Community Choir. 1h27.

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