Pour son troisième long métrage à titre de réalisateur, après Coriolanus et The Invisible Woman, Ralph Fiennes relate les années de jeunesse de Rudolf Noureev.

Ce danseur, considéré comme l’un des plus grands du XXe siècle, a non seulement marqué les esprits grâce à son talent d’exception, mais il fut aussi l’un des premiers artistes russes à faire défection de l’Union soviétique pour se refaire une vie en Occident.

Portant à l’écran un scénario du dramaturge britannique David Hare (The Hours, The Reader), tiré d’une biographie écrite par Julie Kavanagh, The White Crow entremêle trois parties distinctes de la vie du danseur : son enfance à Oufa pendant la guerre dans des conditions très précaires ; les années d’entraînement à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) auprès d’un professeur de ballet réputé, Alexander Pouchkine (campé par Ralph Fiennes lui-même) ; et, finalement, l’épisode dramatique de 1961, alors que le jeune homme, en tournée en Europe avec la troupe du Kirov, décide de demander l’asile politique aux autorités françaises à l’aéroport Le Bourget, provoquant ainsi l’un des incidents emblématiques de la guerre froide.

Fiennes décrit le parcours d’un artiste hyper doué, doté d’une forte personnalité. Son individualité est toutefois réprimée progressivement par le régime soviétique, d’autant plus que la nature même de l’homme attire la suspicion des autorités en place.

L’histoire atteint d’ailleurs son point d’orgue au cours de l’épisode consacré à la tournée européenne du Kirov, alors que des agents du KGB, dépêchés pour surveiller étroitement les danseurs, en ont plein les bras avec lui.

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The White Crow

Ayant découvert les plaisirs du mode de vie occidental en compagnie de Français avec qui il a sympathisé (Adèle Exarchopoulos incarne Clara Saint et Raphaël Personnaz se glisse dans la peau du danseur Pierre Lacotte), Noureev a du mal à rentrer dans le rang.

Ralph Fiennes a fait appel à un inconnu, Oleg Ivenko, pour incarner le danseur étoile. Il a bien fait. En choisissant un véritable danseur, dont les traits du visage rappellent un peu ceux de Noureev, le cinéaste peut ainsi filmer les entraînements et les ballets de façon crédible.

Il émane aussi du jeune homme assez de charisme pour faire croire à l’ascendant que Noureev pouvait susciter. On apprécie aussi le respect des langues, dans la mesure où les langues d’origine sont employées quand des personnages de même nationalité échangent entre eux. Le personnage qu’il incarne se situant dans l’épisode campé à Leningrad, Ralph Fiennes joue en russe.

Le récit prenant fin au moment où Noureev se réfugie en France, à l’âge de 23 ans, il ne faut cependant pas espérer ici une biographie exhaustive du danseur, mort du sida en 1993. Son homosexualité est abordée de façon furtive, d’autant plus qu’on lui prête une liaison avec l’épouse du maître Pouchkine pendant sa formation à Leningrad.

Pour justifier cette approche, Fiennes s’appuie sur la jeunesse d’un personnage dont le narcissisme est cependant bien évoqué. La richesse de la vie de Noureev après son passage à l’Ouest pourrait sans doute inspirer un autre film, mais en s’attardant uniquement aux jeunes années du personnage, le cinéaste a pu se concentrer sur une montée dramatique plus précise.

Notez que The White Crow est aussi à l’affiche en version originale sous-titrée en français, sous le titre Noureev.

★★★½ The White Crow (v.o. s.— t.f. : Noureev). Drame biographique de Ralph Fiennes. Avec Oleg Ivenko, Adèle Exarchopoulos, Ralph Fiennes. 2 h 7.