À 71 ans, Steven Spielberg nous offre l'un des films les plus ludiques de sa prodigieuse carrière. En s'inspirant du roman qu'a publié Ernest Cline en 2011, le maître américain a trouvé le prétexte parfait pour exprimer sa jubilation de faire du cinéma. Son plaisir de concocter un film futuriste comportant d'innombrables références à la culture pop des années 80, à laquelle il a largement contribué lui-même, est véritablement contagieux.

De plus, sa vision dénuée de toute nostalgie reste d'une grande pertinence. Sans trop en avoir l'air, Spielberg nous invite à réfléchir sur les conséquences d'un monde qui aime mieux se réinventer dans une réalité virtuelle - on pourrait aussi dire réalité alternative - plutôt que de faire face aux défis qui attendent l'humanité dans la « vraie vie ». Ce faisant, ce morceau de bravoure dépasse de loin les divertissements tapageurs, souvent vides de sens, qui sortent de l'usine hollywoodienne depuis quelques années, tout en provoquant autant de sensations fortes. Dans la foulée, Spielberg nous rappelle à quel point il est dans une classe à part.

En cette année 2045, les êtres humains ont pratiquement abandonné toute tentative de rendre leur monde meilleur. Comme plusieurs de ses concitoyens, le jeune Wade (Tye Sheridan) habite une espèce de bidonville dans une remorque miteuse, en compagnie d'une tante et du mari infréquentable de cette dernière. Aussi se réfugie-t-il constamment dans un monde virtuel appelé OASIS en portant ses lunettes spéciales. Le créateur de cet espace, James Halliday (Mark Rylance), venant de mourir, Wade compte bien résoudre l'énigme difficile que le fondateur a laissée en guise d'ultime cadeau. Afin que son invention ne puisse tomber dans les mains de personnes malveillantes et ignorantes, lesquelles sont évidemment aux aguets aussi, Halliday a conçu un jeu auquel pourront seulement s'adonner les vrais adeptes.

L'enjeu est de franchir trois épreuves - et de trouver les trois clés qui s'y rattachent - afin d'accéder à l'héritage du créateur. Précisons qu'à l'adolescence, Halliday fut un geek avant l'heure en se nourrissant de tout ce que les années 80 pouvaient offrir à cet égard, notamment les premiers jeux vidéo, Pac-Man et compagnie. De là découlent toutes les références culturelles, qu'elles soient de nature cinématographique, musicale, « vidéoclipesque », ou simplement évoquées par différents objets, maintenant iconiques, tout droit sortis d'une décennie pourtant mal-aimée.

UN FILM DE NOTRE ÉPOQUE

L'exploit de Spielberg - parce que c'en est un - est d'être parvenu à proposer un film évoquant le questionnement existentiel de notre époque en y liant passé et avenir. Très modeste sur l'autoréférence, le cinéaste préfère par ailleurs rendre hommage aux cinéastes et aux films qu'il admire en truffant son récit d'images ou d'évocations immédiatement identifiables. La plupart n'apparaissent que le temps d'un flash ; d'autres font l'objet de véritables enjeux scénaristiques. Sur ce plan, toute la partie consacrée à The Shining, le classique de Stanley Kubrick, est déjà digne de l'anthologie.

Grâce à Ready Player One, que personne d'autre n'aurait pu réaliser avec autant d'intelligence et de maîtrise, Steven Spielberg retrouve sa touche magique.

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Ready Player One. Fil de science-fiction de Steven Spielberg. Avec Tye Sheridan, Hannah John-Kamen et Mark Rylance. 2 h 20.

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Image fournie par Warner

Ready Player One