Téhéran tabou porte bien son titre. Ce film iranien, fabriqué par un expatrié résidant en Allemagne depuis plus de 20 ans, n'aurait jamais pu être réalisé dans le pays d'origine du cinéaste. L'approche d'Ali Soozaneh est d'ailleurs tellement frontale qu'il lui aura fallu utiliser la technique de la rotoscopie pour évoquer la réalité du quotidien. Cette forme d'animation, très réaliste, a bien su servir le propos de Valse avec Bachir, le film remarquable qu'a réalisé Ari Folman il y a 10 ans.

En racontant la vie de citoyens évoluant dans une société où pèsent tous les interdits imposés par les mollahs, le cinéaste dénonce d'entrée de jeu l'hypocrisie de la situation en abordant la question sous l'angle sexuel. Il s'intéresse en outre au sort de trois femmes de caractère, issues de milieux différents, ainsi qu'à celui d'un jeune musicien qui étouffe dans une mégalopole schizophrène où le sexe, la corruption, la prostitution et la drogue coexistent avec les interdits religieux.

Le cinéaste entraîne d'emblée le spectateur dans un monde où les valeurs imposées par la République islamique sont évidemment détournées, ou carrément défiées par des individus coincés sous les prohibitions juridiques de toutes sortes et les restrictions morales. La première séquence ne laisse d'ailleurs rien à l'imagination. On y voit une prostituée dans un taxi s'exécuter sur le chauffeur, qui l'a embauchée, alors que le jeune fils de cette travailleuse du sexe attend patiemment sur la banquette arrière. Comble d'ironie, le chauffeur pique une sainte colère en apercevant sa propre fille tenir la main d'un garçon dans une rue achalandée.

Image fournie par la production

Soulever le voile

Soozaneh, qui affirme s'être inspiré de conversations entendues par surprise dans le métro entre deux jeunes Iraniens qui parlaient de leurs expériences, s'attarde particulièrement à décrire le sort réservé aux femmes dans une société aussi fermée, qui se révèle tordue par ses contradictions dès qu'on soulève un peu le voile. Autrement dit, le cinéaste a voulu savoir ce qui se passait dans une société moderne, derrière l'austérité de façade qu'elle affichait par obligation. Dénué de tout jugement moral, ce film évoque plutôt la souffrance et la misère sexuelle qui émanent d'une société sclérosée par tous ses interdits.

Lancé l'an dernier à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, Téhéran tabou dresse un portrait inédit, contemporain, tout à fait étonnant, dont l'approche dénonciatrice indique que l'humain trouvera toujours le moyen de détourner les lois dictatoriales pour tenter de trouver un peu d'air.

* * * 1/2

Téhéran Tabou. Film d'animation d'Ali Soozandeh. Voix de Farhad Abadinejad, Sasan Behroozian, Zahra Amir Ebrahimi. 1 h 37.

Consultez l'horaire du film