Difficile quand on est journaliste de ne pas aimer The Post. Le dernier film de Steven Spielberg est une véritable lettre d'amour au journalisme d'enquête et à ceux qui le pratiquent. C'est aussi une profession de foi dans la liberté de la presse en cette ère de désinformation et de fake news.

Mettant en vedette deux membres de la royauté hollywoodienne - Meryl Streep et Tom Hanks -, The Post raconte l'histoire entourant la publication des Pentagon Papers, ce rapport de plusieurs milliers de pages de la Défense américaine qui détaillait l'implication militaire et politique des États-Unis dans la guerre du Viêtnam, une implication qui allait à l'encontre du discours officiel des politiciens.

Si vous associez le scoop des Pentagon Papers au New York Times, vous ne vous trompez pas. C'est bel et bien le quotidien new-yorkais qui a révélé le premier ce scandale aux Américains. Mais après une injonction d'un juge de la Cour fédérale interdisant au journal de publier de nouveaux éléments, le Washington Post a pris le relais, ce qui lui a permis d'accéder au statut de journal national et de devenir un incontournable. La Cour suprême est heureusement venue donner raison aux médias par la suite.

Une autre époque

C'est une nouvelle venue de 31 ans, Liz Hannah, qui signe le scénario de The Post avec l'aide du vétéran Josh Singer (qui a coécrit l'excellent Spotlight et signé quelques épisodes de The West Wing). C'est elle qui a eu l'idée de revenir sur ce pan de l'histoire américaine en le racontant du point de vue du tandem formé par Katharine Graham et Ben Bradlee, la propriétaire et le rédacteur en chef du Washington Post. Lorsque l'injonction tombe et empêche le New York Times de poursuivre sa publication, c'est Graham qui doit trancher: publier ou ne pas publier?

En 2016, les producteurs trouvaient que l'histoire de cette riche mondaine qui doit s'affirmer comme patronne lorsqu'elle reprend les rênes du journal après le suicide de son mari tombait plutôt à point. Rappelons que cette année-là, les Américains s'apprêtaient à élire une femme à la présidence du pays. Le propos du film était on ne peut plus pertinent. Finalement, le timing de The Post est toujours aussi parfait, mais pour d'autres raisons: alors que les médias écrits sont en crise, ce film nous rappelle l'importance d'une presse libre et dénonce en filigrane la culture du mensonge à la Maison-Blanche. On le croirait écrit pour répondre à la présidence hystérique de Donald Trump...

Dans le rôle de Bradlee et Graham, deux têtes fortes qui s'affrontent toujours dans le respect, Hanks et Streep sont délicieux et rappellent le tandem Katharine Hepburn et Spencer Tracy : la grande classe. La facture classique du film de Spielberg renforce cette impression de visionner un film réalisé au siècle dernier.

The Post ravira en outre les nostalgiques de l'âge d'or des médias imprimés et des salles de rédaction des années 60 et 70: l'époque des téléphones à roulette, des grosses presses qui impriment le journal la nuit, des touches de dactylo qu'on frappe frénétiquement et des journalistes qui appellent leur source à partir d'un téléphone public... L'époque, aussi, où pour se désennuyer, les journalistes ne regardaient pas Facebook, mais se versaient plutôt un verre de fort ou s'allumaient une cigarette... à leur bureau (!).

Non, impossible de ne pas aimer The Post.

* * * *

The Post (V.F.: Le Post). Drame de Steven Spielberg. Avec Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson. 1 h 55.

Consultez l'horaire du film

image fournie par Fox

The Post