D'abord, il y a l'événement : le retour de Denise Filiatrault dans un grand rôle au cinéma après une bonne trentaine d'années d'absence, sinon plus. Celle qui se consacre depuis longtemps à la mise en scène au théâtre et à la réalisation de longs métrages (ainsi qu'à la direction artistique du Théâtre du Rideau Vert) n'a en rien perdu ses marques d'actrice, ni son légendaire sens du timing.

Dans le nouveau film d'Alexis Durand-Brault (Ma fille, mon ange, La petite reine), la célèbre interprète d'Hélène dans Il était une fois dans l'Est se glisse subtilement dans la peau d'une octogénaire atteinte progressivement de la maladie d'Alzheimer. Sa mémoire parfois trouée n'empêche toutefois pas d'effroyables moments de lucidité quand la présence de son fils Julien l'oblige à repasser des passages difficiles de la vie de sa famille.

Le scénario qu'a tiré Gabriel Sabourin, qui incarne le fils en question, du roman autobiographique de Robert Lalonde est d'ailleurs construit autour d'un secret que vient de révéler au grand jour Julien dans un livre à succès. Si sa mère, qu'on nomme toujours madame Lapierre, semble ignorer l'existence du bouquin, à tout le moins son contenu, il n'est pas dit que l'histoire qui y est relatée lui est étrangère, bien au contraire.

Il s'adonne pourtant que la vieille dame a choisi ce moment pour reprendre contact avec ce fils qui, depuis quelques années, avait coupé les ponts avec elle. Pour ultime faveur, elle lui demande même l'impossible : l'aider à « lever le flye », comme elle dit. Autrement dit, elle souhaite que Julien l'aide à mourir.

UNE APPROCHE TOUTE EN FINESSE

Que voilà de graves sujets. Alexis Durand-Brault parvient néanmoins à éviter tout pathos en misant d'abord sur la finesse de l'approche, sans ne jamais trop insister. Il n'y a pas de grandes envolées dramatiques ici, ni de sentimentalisme surfait. En phase avec la délicate trame musicale de Coeur de pirate, les tourments intérieurs des personnages sont plutôt évoqués avec sobriété, d'autant que le réalisateur peut ici miser sur des pointures pour donner vie à cette histoire. L'effet de miroir que provoque la présence de l'excellente Sophie Lorain, qui joue sa mère 40 ans plus tôt, ne pourrait être plus saisissant.

À ce chapitre, la reconstitution des années 70 (et, accessoirement, l'incontournable présence du tourne-disque Apollo) se révèle très juste, particulièrement dans le portrait de cette femme qui, en cette époque de pleine ébullition, a visiblement envie de voir plus large.

Si l'approche feutrée qu'emprunte le cinéaste évite tout épanchement spectaculaire (au risque de laisser certains spectateurs sur la touche), on louera en revanche la manière avec laquelle on aborde le profond dilemme moral dans lequel Julien est plongé. La fameuse scène de « révélation », au cours de laquelle madame Lapierre s'adresse à son fils comme s'il était son défunt mari, est magnifiquement traitée aussi.

Face à Denise Filiatrault, qui module avec maestria une partition complexe, Gabriel Sabourin est impeccable. D'ailleurs, C'est le coeur qui meurt en dernier n'aurait sans doute pas le même impact sans la présence d'un trio d'acteurs d'exception.

*** 1/2 Drame

C'est le coeur qui meurt en dernier

Alexis Durand-Brault

Avec Gabriel Sabourin, Denise Filiatrault, Sophie Lorain

1 h 43

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image fournie par les films séville