Ghost in the Shell est de ces films qui vont polariser le débat, et pas qu'un peu.

En effet, le film de Rupert Sanders (Snow White and the Huntsman) ne va pas être vu et jugé de la même manière selon que l'on connaît ou pas, et même à quel point on le connaît, l'univers qui se déploie dans les mangas de Masamune Shirow et l'anime culte de Mamoru Oshii.

Les uns comme les autres se trouveront en présence d'une science-fiction bourrée d'action, d'effets spéciaux haut de gamme, d'une histoire de vengeance qui pétarade sur un air hollywoodien bien connu, d'un récit des origines «dans les normes».

Cela plaira aux amateurs du genre, c'est bien fait (quoiqu'un peu tape-à-l'oeil).

Sauf que Ghost in the Shell est plus que cela. Il y a dans cette oeuvre des questionnements philosophiques extrêmement profonds et importants, une exploration de thèmes forts tels l'identité, les jeux de pouvoir entre le politique, le militaire et le scientifique, le rapport entre l'humain et la machine, les notions d'évolution et d'intelligence artificielle. C'est une oeuvre dense; pertinente alors, encore plus aujourd'hui. Bref, nous sommes plus dans Ex-Machina et Blade Runner que dans Terminator ou RoboCop.

C'est là que souffriront les fans et, surtout, les puristes.

Les premiers, toutefois, seront ébranlés et, on le leur souhaite, séduits par la finale qui apporte un éclairage nouveau sur le récit et remet bien des choses, sinon toutes, en perspective. En dire plus serait un crime de lèse-divulgâcheur, mais disons que c'est très réussi.

Quant aux seconds, que (leur) dire? Ils ne trouveront probablement là aucune satisfaction. Peut-être que ce film n'est pas pour eux. Parce que le contenant est là, pas le contenu. On nous offre le «shell», pas le «ghost» (ni même, dans un autre ordre d'idées, le Puppet Master - snif!).



Pratico-pratique

Mais revenons à ceux qui feront ici leurs premiers pas dans cet univers, afin de leur fournir quelques balises. Dans un avenir proche, alors que la frontière entre l'humain et la technologie est de plus en plus floue à cause de l'utilisation croissante de la cybernétique pour «améliorer» les performances du corps, le Major Mira Killian demeure unique en son genre: après que son enveloppe corporelle eut été détruite, des scientifiques lui en ont fabriqué une autre, dotée de capacités exceptionnelles, pour accueillir son cerveau, lui, intact.

Soldat hors norme? Arme toute-puissante? Chose certaine, elle est la seule à pouvoir lutter contre un terrorisme et un terroriste nouveau genre: quelqu'un parvient à pirater et à contrôler l'esprit humain. Major s'en va donc en guerre. Et, ce faisant, pousse une porte donnant sur les zones d'ombre de son propre passé.

Si Scarlett Johansson dans le rôle principal trébuche parfois pour se retrouver dans la peau de sa Black Widow du MCU, elle est en général extrêmement convaincante dans ce rôle - en plastique (elle ressemble de façon troublante au personnage de l'anime) comme en gestuelle et posture. Autour d'elle, que du bon, de Pilou Asbaek en complice à Michael Pitt en antagoniste en passant par Juliette Binoche en figure maternelle et Takeshi Kitano lui-même en éminence de l'ombre.

Un mot sur la trame sonore: celle, originale, de Kenji Kawai est inoubliable et inégalable; Clint Mansell s'en est inspiré et, sans atteindre les mêmes sommets émotifs, le résultat est efficace.

Quant à la réalisation, on l'a dit, Rupert Sanders en fait parfois trop. Et il perd en cohérence visuelle en reproduisant ici et là des séquences entières de l'anime. Mais, bon, on ne peut nier la beauté de l'ensemble. Là aussi, la coquille (shell) est là. L'esprit (ghost), moins.

Ghost in the Shell (V.F.: Ghost in the Shell - Le film). Film de science-fiction de Rupert Sanders. Avec Scarlett Johansson, Pilou Asbaek, Michael Pitt, Takeshi Kitano. 1h46.

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Image fournie par Paramount