Pour son troisième long métrage à titre de réalisateur, Denzel Washington (Antwone FisherThe Great Debaters) porte à l'écran l'une des pièces les plus célébrées du répertoire américain.

Écrite en 1983 par le dramaturge August Wilson, Fences a été montée à Broadway en 1987 (avec James Earl Jones et Mary Alice), puis reprise en 2010, avec comme têtes d'affiche les deux vedettes qui, aujourd'hui, reprennent leur rôle au grand écran. C'est dire que Viola Davis et Denzel Washington, dont les performances ont valu à chacun un Tony Award, maîtrisent leur partition jusqu'au bout de leurs ongles.

Campé à Pittsburgh à la fin des années 50, le récit s'attarde à décrire la vie familiale d'un homme qui, au mitan de sa vie, projette sur ses proches ses propres frustrations. À 53 ans, Troy (Denzel Washington), ancien joueur de baseball qui n'a jamais pu monter dans les ligues majeures (constituées alors uniquement de joueurs blancs), exerce son autorité au seul endroit où il peut le faire: dans sa modeste maison.

La première victime de cet excès autocratique est son plus jeune fils de 17 ans (Jovan Adepo). Dont les qualités athlétiques et les ambitions professionnelles sont tuées dans l'oeuf par un père qui estime qu'aucune possibilité de cette nature ne peut s'offrir à un Afro-Américain. L'autre victime directe est Rose (Viola Davis), sa femme aimante (et aimée en retour), qui devra toutefois mettre ses propres aspirations en retrait pour mieux s'adapter au comportement erratique de l'homme qu'elle aime. Jusqu'au jour où ce fragile équilibre ne peut plus tenir.

Du théâtre à l'écran

Le réalisateur ne cache rien des origines théâtrales du film. Le récit se déploie ainsi à grands coups de longues scènes dialoguées, parsemées des coups de théâtre attendus. Le texte est puissant, certes, mais il est évident que Denzel Washington n'a rien voulu transgresser dans sa réalisation, se contentant d'une mise en images appliquée de la pièce. Sa mise en scène consiste à mettre essentiellement en valeur les performances des acteurs. Qui constituent d'ailleurs l'élément le plus fort de ce film.

Viola Davis, l'une des meilleures actrices du moment, parvient à donner de la finesse à un rôle visiblement écrit pour permettre de grands éclats sur scène. On peut en dire autant de Denzel Washington, immensément convaincant dans le rôle du patriarche frustré, qui a du mal à comprendre les besoins affectifs de ses proches.

Grâce à ces deux grandes performances, Fences vaut le détour, même au cinéma. À l'affiche dès le 25 décembre, en anglais seulement.

Fences et la course aux Oscars

Ce qui l'avantage: Viola Davis et Denzel Washington sont pratiquement assurés de sélections dans les catégories d'interprétation.

Ce qui lui nuit: L'aspect très théâtral du film risque de refroidir les ardeurs des membres de l'Académie dans les autres catégories.

* * * 1/2

Fences. Drame de Denzel Washington. Avec Denzel Washington, Viola Davis, Mykelti Williamson. 2h18.

Image fournie par Paramount Pictures