Une narratrice qui n'est pas fiable. Des points de vue contradictoires sur les mêmes événements. Une femme qui disparaît. Un mari suspect. Une enquêtrice imperturbable qui ne lâche pas le morceau.

On serait à l'école que plusieurs lèveraient la main pour donner la réponse: «C'est Gone Girl

Et on serait dans l'erreur: c'est l'histoire d'une autre «girl», celle qui est dans le train. The Girl on the Train, donc. Le best-seller de Paula Hawkins et non celui de Gillian Flynn; le film de Tate Taylor (The Help) plutôt que celui de David Fincher (Fight Club, The Social Network).

Mais, bon, le lien de parenté entre les deux histoires est indéniable. Elles jouent dans la même palette émotive, dans semblables tourments psychologiques et dans le même type de dynamique de couple dysfonctionnel.

Comprendre que le succès de Gone Girl a fait grimper les attentes face à The Girl on the Train. Qui n'est malheureusement pas à la hauteur.

Le signe qui ne ment pas? Que l'on ait lu ou pas le roman, que l'on connaisse ou pas l'histoire, le film de Fincher était éblouissant, il se tenait seul, une oeuvre en soi. Mais si on a lu le livre de Paula Hawkins, le long métrage de Tate Taylor est sans grand intérêt autre que la trame sonore de Danny Elfman (on achètera le disque!) et la performance d'Emily Blunt.

Celle-ci, les yeux bouffis, le cheveu terne, la démarche chancelante, incarne Rachel. Elle est divorcée de Tom (Justin Theroux, aussi expressif qu'un bloc de marbre) et, déprimée, boit plus que de raison.

La vie des autres

Tous les matins et tous les soirs, elle prend le train qui la conduit à Manhattan. Passant ainsi devant son ancienne maison, où ledit Tom vit maintenant avec Anna (Rebecca Ferguson) et leur petite fille. Passant également devant une autre demeure abritant, elle, des inconnus auxquels elle se prend à inventer une vie idéale. Ils sont Megan (Haley Bennett) et Scott (Luke Evans).

Et un jour, horreur: Rachel voit Haley en train d'embrasser un inconnu ! Allez, on rajoute une couche de vilain: quelque temps plus tard, Haley disparaît. La police enquête. Rachel aussi. À sa manière.

Le scénario, signé Erica Cressida Wilson (qui n'a pas impressionné avec ceux de Secretary et Chloe et qui a raté celui de Men, Women & Children), est assez fidèle au roman et surprendra donc ceux qui ne l'ont pas lu. Il faut lui donner ça.

Mais les inévitables raccourcis, les pistes amorcées puis avortées, les moments « à-la-limite-du-crédible» qui passaient dans le texte, tout cela saute ici au visage... deux fois plutôt qu'une.

Car Tate Taylor, qui ne possède pas un style aussi «signé» que David Fincher (exemple, bien sûr, pas pris au hasard), abuse des gros plans.

C'est le festival du pore relâché, de la lèvre gercée, du maquillage qui a coulé. Au bout d'un moment, ça devient insupportable.

Oui, cela sert la ligne dramatique de Rachel en nous permettant - force ralentis, flous, cadrage et caméra chaotiques - d'entrer dans sa tête, de «vivre» et partager sa réalité embourbée dans les brumes éthyliques.

Sauf que le réalisateur applique la même médecine aux deux autres trames de ce récit qui, comme dans le roman, fait des allers-retours dans le temps et, surtout, passe du point de vue d'une des trois protagonistes à celui d'une autre puis d'une autre encore, et ainsi de suite.

Avec, en fin de parcours, quelques répliques de la plus grande platitude (difficile de ne pas pouffer) et une scène d'un grand-guignolesque qui passait à l'écrit, pas à l'écran. Preuve que parfois une image vaut 1000 maux.

**1/2

The Girl on the Train (V.F.: La fille du train). Suspense psychologique de Tate Taylor. Avec Emily Blunt, Haley Bennett, Rebecca Ferguson. 1h52

IMAGE FOURNIE PAR UNIVERSAL STUDIOS

The Girl on the Train