Au commencement régnait la confusion. Non, Captain Fantastic n'est pas le titre du blockbuster de l'été. Et la bande-annonce ne donne pas non plus l'heure juste. Bien au contraire.

Certes, le premier long métrage indépendant du réalisateur Matt Ross semble de prime abord raconter pour une énième fois l'histoire d'un père qui élève ses enfants au beau milieu de la forêt, loin de la civilisation, pour les préserver de la société capitaliste de surconsommation. On pensait la prémisse éculée. 

C'est donc avec peu d'attentes, si ce n'est celle d'assister à une autre belle prestation de Viggo Mortensen, que nous nous sommes rendus à la projection de Captain Fantastic.

Au croisement d'Into The Wild, pour sa sublime facture visuelle signée Stéphane Fontaine (Un prophète), et de Little Miss Sunshine, pour son scénario de road movie décalé, drôle et touchant, Captain Fantastic devrait avoir un destin tout aussi glorieux, sinon plus, que ces deux superbes productions. Il a d'ailleurs raflé le Prix de la mise en scène dans la section Un certain regard au dernier Festival de Cannes et il a été salué à Sundance.

On y suit Ben (Viggo Mortensen), un père dévoué qui a choisi d'élever ses six enfants de 7 à 18 ans en marge de la société dans les majestueuses forêts reculées du nord-ouest des États-Unis. Du moins jusqu'à ce que sa femme bipolaire (Trin Miller) se donne la mort à l'hôpital où elle a demandé à être internée. Un drame qui amène toute la petite tribu à quitter son jardin d'Eden et à retourner à la civilisation pour dire un dernier au revoir à leur mère. Une incursion dans la société qui forcera Ben à remettre en question ses méthodes d'éducation et tout ce qu'il a appris à sa famille.

Dès les premières minutes de Captain Fantastic, on est happé par le mode de vie autosuffisant de la petite famille, pour laquelle Ben a instauré un rite de passage à l'âge adulte qui consiste à traquer et tuer une biche au couteau.

Bodevan (George Mackay), Nai (Charlie Shotwell), Rellian (Nicholas Hamilton), Zaja (Shree Crooks), Kielyr (Samantha Isler) et Vespyr (Annalise Basso), les six enfants aux noms uniques, lisent, font de la musique et apprennent à se battre en famille grâce au dévouement de leur père, qui leur consacre tout son temps pour les éduquer selon les préceptes de la «parentalité consciente».

Ben respecte l'intelligence de ses enfants, les traite comme des adultes sans jamais leur mentir. Pas question, donc, de fêter Noël: c'est le jour de Noam Chomsky qu'ils célèbrent en s'offrant des armes blanches. Et que lisent-ils au coin du feu? Du traité de Jean-Jacques Rousseau Émile ou de l'éducation à Karl Marx en passant par Nabokov.

On apprécie tout particulièrement les dialogues du long métrage, où la joute oratoire tient une place de choix, soulignant ainsi l'importance de la communication et des points de vue divergents au sein de la société.

La chimie opère entre les jeunes comédiens et Viggo Mortensen, qui joue un rôle à la hauteur de son immense talent. 

Impossible de ne pas être touché par leurs performances, notamment lors de l'annonce de la mort de la mère de famille ou de leur interprétation de la mythique chanson Sweet Child of Mine.

Exposant le contraste entre les modes d'éducation traditionnelle et expérimentale, sans jamais faire la morale, Captain Fantastic rappelle qu'il est impossible d'être un parent parfait, mais qu'il n'est jamais vain d'essayer de remettre en question ses certitudes en la matière.

Alors que la chasse aux Pokemon bat son plein et semble devenir une nouvelle motivation pour certains jeunes afin de sortir courir dehors, Captain Fantastic fait du bien et semble redonner un sens au bon vieil adage «un esprit sain dans un corps sain». Parce qu'on aime ressentir quelque chose les yeux rivés sur le grand écran, on adorera Captain Fantastic, un film intelligent où rien n'est jamais tout noir ou tout blanc.

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Captain Fantastic (V.F.: Une vie fantastique). Drame de Matt Ross. Avec Viggo Mortensen, George Mackay, Annalise Basso. 1h55.

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Image fournie par Bleecker Street

Captain Fantastic