Quand on regarde cette année cinéma, le seigneur de la jungle, c'est Mowgli et pas Tarzan. Là où le récent The Jungle Book de Jon Favreau nous émerveillait, The Legend of Tarzan de David Yates (les quatre derniers volets de la saga Harry Potter), plus que «seulement» nous décevoir, crée le malaise. Pour de nombreuses raisons.

Faisons d'abord l'état des lieux.

Nous sommes dans les années 1880. Celui qui a été élevé par les grands singes d'Afrique, Tarzan (Alexander Skarsgård), va maintenant sous le nom de John Clayton III, 5e comte de Greystoke; et vit dans son manoir anglais avec sa femme, Jane (Margot Robbie).

Interpelé par l'historien et avocat afro-américain George Washington Williams (Samuel L. Jackson incarne ce personnage historique), le couple retourne au Congo alors sous la férule de la Belgique, où John Rom (Christoph Waltz se glisse dans la peau de ce chef de l'armée de la Force publique) réduit les populations à l'esclavage (voilà pour l'histoire, la vraie) et, appâté par des diamants en quantité, accepte de livrer Tarzan à un chef de tribu qui vient avec une vengeance (voici pour la fiction).

Alors, les problèmes?

Pour commencer, beaucoup des effets visuels du long métrage tourné presque en totalité aux Warner Bros. Studios Leavesden, en Angleterre, sont spectaculairement ratés.

Ainsi, lorsqu'il s'élance de liane en liane, Tarzan se la joue Spiderman (ou vice-versa) et, pour rendre l'effet, l'homme de chair et d'os passe à la créature en images de synthèse - sauf que cette transition saute trop aux yeux pour être crédible.

Et puis, qui dit Tarzan dit paysages et bêtes sauvages. Les artistes de Disney avaient peut-être plus de temps et d'argent, mais la jungle et les animaux de The Jungle Book (entièrement tourné en studio) semblaient plus vrais que nature, bien que «fabriqués» par ordinateur. Ici, bien trop souvent, les animaux «sentent» le faux et le fait que les acteurs jouent sur écran vert crève les yeux.

Beau, mais fade

Ensuite, Tarzan lui-même. Alexander Skarsgård. Oui, le vampire Eric de True Blood est magnifique (et presque toujours à demi nu), mais on demande plus d'un acteur - qu'il ait au moins deux expressions, peut-être. On n'a même pas osé le montrer à l'écran quand il pousse son célèbre cri. Parce qu'il le pousse. Deux fois plutôt qu'une. Hors champ.

Dans le même registre unidimensionnel, Christoph Waltz nous refait le coup du méchant de service - il porte même la moustache dont on attend à chaque seconde qu'il se mette à tortiller les pointes en ricanant. Le «typecasting» ne le guette pas, il patauge dedans.

Heureusement, il y a Jane. Margot Robbie est tout simplement magnifique dans le rôle. Vive, lumineuse, forte, indépendante (à la limite de l'anachronisme, mais on lui pardonne). Et il y a Samuel L. Jackson en George Washington Williams, à la fois drôle et pertinent, Américain perdu dans cet environnement, mais pas dépourvu de ressources.

En plus, il est le garde-fou qui permet au récit d'éviter les relents de racisme (façon Tintin au Congo) qui planent sur l'intrigue. Il est en effet gênant de voir la population indigène quasi prosternée devant le seigneur (blanc) de la jungle et sa belle femme au teint de pêche venus, alléluia, les sauver. Bref, le sujet est délicat, on marche sur des oeufs. Mais, au bout du compte, le malaise perdure et on fait une omelette.

Enfin (ouf!), la musique pompière de Rupert Gregson-Williams (Hotel RwandaGrown Ups). Un mot. Cinq syllabes. In-sup-por-ta-ble. Plus que le long métrage qui, quand même, compte quelques bons moments - assez pour qu'on ne passe pas le temps à regarder l'heure.

THE LEGEND OF TARZAN (V.F.: LA LÉGENDE DE TARZAN). Film d'aventure de David Yates. Avec Alexander Skarsgård, Margot Robbie, Samuel L. Jackson. 1 h 50.

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PHOTO WARNER BROS.