Le récit d'El Clan est tiré de faits véridiques. Là réside l'aspect le plus étonnant de ce film noir, dans lequel le spectateur est plongé dans la vie quotidienne d'une famille «au-dessus de tout soupçon».

Le cinéaste Pablo Trapero, dont les films précédents se sont principalement distingués sur le circuit des festivals (Leonera, notamment, a été sélectionné en compétition officielle à Cannes en 2008), nous transporte dans l'Argentine du début des années 80. Le pays traversait alors une époque de transition, pendant laquelle un régime plus démocratique s'est installé après des années de dictature militaire.

Pour Arquimedes Puccio (formidable Guillermo Francella), un ancien informateur du pouvoir militaire, les activités criminelles érigées en système dans le régime précédent se tiennent désormais dans la sphère privée. Toute sa famille se fait ainsi complice d'une série d'enlèvements ignobles, pour lesquels une rançon est demandée. La présence d'un otage dans la maison familiale peut parfois déranger la quiétude du quotidien, mais on fait comme si de rien n'était, malgré les cris de désespoir émergeant de la pièce où la personne est enchaînée et cagoulée. Il n'est pas dit que cet otage sera sauf non plus, même une fois la rançon payée...

Aussi, la notoriété grandissante de l'un des fils du clan, star de l'équipe nationale de rugby, sert à imposer l'image d'une famille bien sous tous rapports, unie et prospère.

Absence de mise en contexte

On pense évidemment aux grands films de mafia. L'univers de Scorsese nous effleure aussi l'esprit, bien que ce film n'ait pas le même souffle sur le plan de la mise en scène. Le scénario étant inspiré d'une histoire réelle, on pourra aussi se surprendre parfois du traitement très «neutre» que lui réserve le cinéaste. En plus de laisser le spectateur un peu en retrait, la force du récit s'en trouve ainsi diminuée.

Plutôt que d'expliquer les rouages d'un système qui prend sa source dans l'histoire politique de l'Argentine, Trapero préfère s'attarder à un aspect plus anecdotique, lequel relève davantage des faits divers.

Ainsi, le spectateur étranger aura plus de mal à comprendre comment Puccio a pu continuer à manoeuvrer de cette façon après le changement de régime. Comment les chantres de la dictature ancienne ont-ils pu ensuite mener leurs opérations en toute impunité, sans être trop inquiétés? Comme le clan est dirigé par un homme qui, jusqu'à la fin, clamera son innocence en restant persuadé de son bon droit, ces questions auraient pu être mieux approfondies.

Lauréat du prix de la mise en scène à la Mostra de Venise l'an dernier, El Clan est un film dont on suit l'intrigue avec intérêt, mais qui aurait sans doute gagné à mieux mettre l'histoire en contexte.

Notez qu'El Clan prend l'affiche à Montréal en version originale espagnole avec des sous-titres en français et en anglais.

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DRAME. El Clan. Drame de Pablo Trapero. Avec Guillermo Francella, Peter Lanzani et Lili Popovich. 1h50.

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PHOTO FOURNIE PAR FOX INTERNATIONAL

El Clan