Le titre évoque bien sûr la ville d'origine des deux protagonistes du film. Montréalais d'adoption depuis plusieurs années, Kahina et Amokrane portent encore «Alger la blanche» en eux, même s'ils ont l'un et l'autre une façon bien différente de transiger avec leur passé.

C'est d'ailleurs dans cette dualité d'approches que ce premier long métrage de fiction de Bachir Bensaddek trouve sa pertinence et son intérêt. Plutôt que de se vautrer dans le cliché habituel du «choc des cultures» entre les valeurs du pays d'origine et celles du pays d'accueil, le cinéaste préfère aborder la question de façon plus subtile.

Le fait de camper le récit le soir de Noël - qui tombe cette fois en plein mois du ramadan - n'a rien d'innocent. Prétextant la perspective d'une soirée très lucrative, Amokrane (Rabah Aït Ouyahia) préfère fuir les festivités prévues à la maison familiale et prendre le volant de son taxi. En parcourant les rues enneigées de la métropole québécoise, il recueille notamment Kahina (Karina Aktouf), une femme qui tente de rejoindre son ex-mari afin de récupérer sa fillette.

Il se trouve qu'Amokrane, un homme qui, comme plusieurs compatriotes, a fui les horreurs qui ont miné son pays, croit reconnaître en Kahina une idole de jeunesse.

Cette dernière, une chanteuse immensément populaire en Algérie à une certaine époque, a émigré au Québec sans laisser de traces, allant même jusqu'à faire croire à sa mort, histoire de pouvoir effacer le passé et repartir sur de nouvelles bases.

Au fil des recherches de Kahina pour retrouver sa fille, les deux immigrés reverront leurs passés respectifs resurgir à la faveur d'échanges - parfois animés - au cours desquels les drames se révèlent.

Un souci d'authencité

Inspiré d'une pièce documentaire créée sur la scène du Monument-National il y a une douzaine d'années, Montréal la blanche se démarque justement grâce à ce grand souci d'authenticité. Bachir Bensaddek s'immisce subrepticement dans la psyché de gens qui espèrent se faire une meilleure vie, non sans vivre de profonds déchirements.

La réussite de ce film de facture modeste tient aussi beaucoup à la qualité d'interprétation.

À un moment où l'on s'interroge beaucoup sur l'absence de diversité dans les oeuvres québécoises, les performances remarquables de ces deux acteurs ne peuvent que valider cette impression.

Karina Aktouf a été vue dans quelques séries télévisées québécoises depuis Jasmine, mais l'actrice a révélé en entrevue ne pouvoir vivre de son métier. Montréal la blanche lui donne enfin l'occasion de donner la pleine mesure de son talent. Dans le rôle de Kahina, la comédienne offre une composition délicate et vibrante, empreinte de maturité. Face à elle, Rabah Aït Ouyahia. Cet ancien artiste de hip-hop a été cité aux Jutra en 2002 dans la catégorie du meilleur second rôle masculin grâce au film de Denis Chouinard L'ange de goudron. Après un détour du côté de la production, l'acteur se distingue grâce à ce personnage de chauffeur de taxi qui vit plus douloureusement son intégration.

Le film de Bachir Bensaddek mêle ainsi habilement l'intime et le social. Et mérite assurément notre attention.

* * * 1/2

DRAME. Montréal la blanche. De Bachir Bensaddek. Avec Karina Aktouf, Rabah Aït Ouyahia, François Arnaud, Pierre Lebeau. 1h30.

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IMAGE FOURNIE PAR K-FILMS AMÉRIQUE