Dans La petite reine, le réalisateur québécois Alexis Durand Brault s'était librement inspiré de la vie de Geneviève Jeanson pour raconter la descente aux enfers d'une cycliste prise dans l'engrenage du dopage.

Son homologue britannique Stephen Frears a plutôt choisi de s'en tenir aux faits pour The Program, drame biographique sur la carrière de Lance Armstrong. Tout est là ou presque: les succès et l'arrogance du début, le cancer et la rémission, les sept victoires au Tour de France, la philanthropie, les intrigues politiques et personnelles, le dopage, le médecin sulfureux, les mensonges, l'intimidation, le retour, la chute.

En moins de deux heures, avec une multitude de personnages parfois complexes à installer, ça fait beaucoup. D'autant que le scénariste John Hodge (Trainspotting) n'a eu que quatre semaines pour ficeler une première version de l'histoire adaptée d'un livre du journaliste britannique David Walsh, dont les enquêtes ont largement contribué à la destitution du héros américain.

Frears (High Fidelity, The Queen) voulait faire vite. Armstrong venait à peine de faire ses aveux à Oprah Winfrey en janvier 2013 que le projet était lancé.

Sa chance aura été de tomber sur l'acteur américain Ben Foster, plutôt crédible dans son interprétation du Texan.

Sa transformation physique est impressionnante, quoique forcément incomplète. Il est surtout juste dans sa réplique des mimiques et du faciès frondeur de l'ancien champion, sans verser dans l'imitation.

Il est allé jusqu'à faire lui-même usage de produits dopants, mais était-ce vraiment nécessaire?

Cela relève du scénario, mais Foster est plus dur à croire quand son personnage exprime des faiblesses ou des remords. Armstrong au bord des larmes, vraiment? Pas facile de jouer un type qui a lui-même été un formidable acteur pendant l'ensemble de sa carrière...

Le défi des scènes de sport

La crédibilité d'un film de sport repose souvent sur les scènes... de sport. Le défi est particulièrement grand en cyclisme sur route, avec ses codes, les décors changeants et les milliers de spectateurs sur le long des routes. Frears s'en tire bien à ce chapitre. Le véritable amateur grincera parfois des dents, mais rien pour faire décrocher de l'intrigue. Le souci du détail est remarquable: la couleur des maillots, les commanditaires, la composition des podiums, jusqu'à la position de Foster sur le vélo bleu-blanc-rouge d'Armstrong.

Le film s'articule autour des travaux de Walsh, interprété par Chris O'Dowd, présenté comme le seul journaliste sceptique dans la salle de presse. Pendant que ses collègues ovationnent Armstrong (caricatural), Walsh s'applique à retrouver des sources qui s'attireront les fureurs du patron du peloton, mais finiront par le faire vaciller.

La touffeur de l'histoire d'Armstrong, toujours actuelle et documentée par des milliers d'articles, de livres, d'enquêtes et d'archives vidéo, plombe le fil dramatique. Une scène où l'Américain dilue son sang pendant qu'un contrôleur antidopage cogne à la porte manque d'intensité. Avec des moyens beaucoup moins importants, Durand Brault a eu plus de succès avec une séquence semblable dans La petite reine.

The Program tient la route, mais les véritables passionnés de cette saga trouveront probablement plus leur compte dans le documentaire The Armstrong Lie, d'Alex Gibney.

* * 1/2

Drame sportif. The Program (V.F.: Le programme). De Stephen Frears. Avec Ben Foster, Chris O'Dowd, Guillaume Canet et Jesse Plemons. 1h44.

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE