Proposant son meilleur film depuis Gaz Bar Blues, Louis Bélanger manie habilement dans sa nouvelle offrande le fragile équilibre entre la comédie et le drame. Même si le postulat des Mauvaises herbes est assez classique au départ (la réunion d'êtres qui, en principe, n'auraient jamais dû se rencontrer), le cinéaste parvient à nous surprendre grâce à un récit comportant des ramifications plus inusitées.

L'entrée en matière se déroule dans les coulisses d'un théâtre où travaille Jacques (Alexis Martin), un acteur de seconde zone qui, pendant les temps morts, n'hésite pas à traverser la rue pour aller s'adonner à des jeux d'arcade dans le commerce d'en face. Même si le parallèle est involontaire (cette scène a été écrite il y a longtemps), l'ombre de Birdman plane. D'autant que ce plan-séquence est accompagné d'une trame musicale (signée Guy Bélanger) où priment les percussions.

Là s'arrêtent toutefois les comparaisons. Plutôt que de décrire la crise existentielle d'un acteur face à son art, Les mauvaises herbes s'attarde à évoquer les déboires d'un homme endetté jusqu'au cou, maintenant poursuivi par un usurier (Luc Picard) qui n'entend pas à rire. La sécurité de l'acteur est d'ailleurs menacée à un point où ce dernier n'hésite pas à monter dans un bus pour fuir le plus loin possible.

Portant toujours son costume de scène d'époque alors que l'hiver est à son plus froid, Jacques est recueilli au milieu de nulle part par Simon (Gilles Renaud), un solitaire qui a maintenant besoin d'aide pour mener à bien son entreprise.

L'invité ne peut alors faire autrement que de participer aux activités clandestines de son hôte. Simon cultive le pot. Et son affaire est très «florissante».

Une dynamique particulière

À partir de ce point de départ, les scénaristes - Alexis Martin et Louis Bélanger - ont le loisir de construire un vrai suspense, mais aussi d'explorer des thèmes de nature plus intime. Avec l'arrivée d'un personnage inattendu (une jeune préposée de l'Hydro qu'on doit maintenant retenir contre son gré), une dynamique particulière s'installe progressivement entre les trois personnages. La partie plus souriante est par ailleurs assurée par l'usurier. Qui ne passe pas, dans les faits, une très belle journée.

En plus du scénario, fort bien écrit, et de la réalisation, menée de façon discrète et efficace, Les mauvaises herbes se distingue grâce à son formidable quatuor d'acteurs. 

Signalons en outre la remarquable présence d'Emmanuelle Lussier-Martinez, dont l'aplomb s'impose d'emblée grâce à un personnage d'où n'émane aucun cliché. Pour qui n'a pas encore eu la chance de la voir sur scène au théâtre, la jeune actrice, qui tient ici son premier rôle au cinéma, est une vraie révélation.

La comédienne se retrouve ici entourée de trois vétérans qui, visiblement, mordent à belles dents dans leur partition. À ce chapitre, il convient d'accorder ici une mention spéciale à Gilles Renaud. Ce dernier se glisse une fois de plus dans la peau d'un personnage aussi irrésistible qu'attachant.

Sans faire partie de ces oeuvres qui laissent un souvenir impérissable, le nouveau film de Louis Bélanger s'inscrit néanmoins dans la plus belle frange du cinéma de qualité.

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Comédie dramatique. Les mauvaises herbes. De Louis Bélanger. Avec Alexis Martin, Gilles Renaud, Emmanuelle Lussier-Martinez, Luc Picard. 1h48.

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IMAGE FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE