Prenons le film de cambriolage mettant en scène un gang incarné par une constellation de stars. Du côté léger, on pense à Ocean Eleven et ses suites. Du côté sombre, on placera Triple 9 de John Hillcoat, avec sa distribution composée d'étoiles noires - pas seulement par la couleur de leur peau.

Ici, d'ex-membres de forces militaires et des policiers véreux se mettent au service... d'eux-mêmes. Ils vont commettre un ultime casse avant de disparaître. On sait ce que cela signifie au cinéma: il va y avoir des morts. On est donc sur les charbons ardents en observant les personnages incarnés par Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie, Aaron Paul, Norman Reedus et Clifton Collins Jr. prendre une banque d'assaut. Comment tout cela tourne mal. Vraiment très mal. Ça ne dérape pas, ça déraille complètement.

La poursuite automobile qui s'ensuit est parmi les bons moments de ce thriller pour adultes glauque et violent qui se déroule à Atlanta, dans des quartiers rarement filmés. Et qui permet une incursion dans la mafia israélo-russe menée par une «marraine» incarnée par une Kate Winslet qui laisse le spectateur perplexe: autant elle s'était métamorphosée en subtilité dans Steve Jobs, autant elle frôle ici la caricature - tant dans l'allure que dans l'accent.

C'est à cause d'elle que la bande menée par Chiwetel Ejiofor (impeccable, comme le reste de ses «hommes») se voit obligée de tenter l'impossible et, pour cela, de détourner l'attention des forces de l'ordre de l'autre côté de la ville en lançant le code «999», qui signifie «policier abattu».

Intense densité

Du côté des policiers intègres (ce qui ne veut pas nécessairement dire plus équilibrés), Casey Affleck fait merveille et Woody Harrelson fait ce qu'il fait de mieux: jouer les caméléons avec une audace et un naturel formidables.

Lugubre et désespéré, Triple 9 évolue dans une atmosphère dense de corruption et met en scène des personnages qui ne sont ni noirs ni blancs, mais de toutes les nuances de gris. 

Les liens qui les unissent ou les opposent sont quant à eux révélés graduellement. On ne donne pas dans la facilité.

Mais bizarrement, toute cette minutie dans la construction des personnages et de leurs relations met en relief le fait que l'intrigue est beaucoup moins solide que ceux qui évoluent dans ses mailles.

De plus, le récit perd en impact en étant uniformément glauque. Ce ton convenait parfaitement à The Road, du même John Hillcoat. Ici, il nuit à l'ensemble. Après une introduction chargée d'adrénaline, une «pause» suivie d'un crescendo de tension aurait été plus efficace que la pédale au plancher pendant deux heures, les explosions en chapelets et les coups qui martèlent, broient, blessent. Tuent.

Il reste les revirements inattendus, les ramifications complexes. Et une bande d'acteurs talentueux qui ont visiblement eu pas mal de plaisir à se chercher ainsi des noises.

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THRILLER. Triple 9. De John Hillcoat. Avec Chiwetel Ejiofor, Casey Affleck, Aaron Paul, Kate Winslet et Norman Reedus. 1h55.

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PHOTO FOURNIE PAR OPEN ROAD