«Film culte», c'est écrit à l'endos d'une invraisemblable variété de boîtiers DVD : «Un film culte à voir absolument», généralement suivi d'une formule choc de journaliste genre «délicieusement décadent» ou «sublimement outrancier».

Est-ce à dire qu'un film culte est nécessairement une ouvre marginale, audacieuse et provocante? Mais même Le magicien d'Oz et La mélodie du bonheur sont répertoriés, ici et là dans les encyclopédies spécialisées du cinéma, parmi les films cultes

Qui dit culte dit messe, dit célébration, dit liturgie. Qui dit culte dit rassemblement et dévotion. Le documentaire Midnight Movies : From the Margin to the Mainstream de Stuart Samuels s'intéresse à six ouvres cinématographiques, conspuées par la critique aux premières projections mais qui, grâce à la ferveur et à l'enthousiasme, parfois démesuré, de leurs adorateurs, sont toutes inscrites aujourd'hui dans les dictionnaires du 7e art. Ces films ont un seul point commun, ils étaient présentés à minuit, l'heure du crime, l'heure du loup, dans des salles généralement fréquentées que par des noctambules avides de sensation, de jeunes rebelles et des intellectuels à la recherche de nouvelles tendances.

Six oeuvres, six auteurs : Alejandro Jodorowsky, pour son western ésotérique et surréaliste El Topo (1970), George A. Romero qui, en plus de bouleverser sans le savoir les codes du cinéma d'horreur a proposé, avec Night of the Living Dead (1968) une sorte de pamphlet politique, John Waters qui a réussi à faire du mauvais goût un art en soi avec Pink Flamingos (1972), feu Perry Henzell, le type derrière The Harder They Come (1972), très rare intrusion du cinéma populaire jamaïcain dans nos nordiques contrées, Richard O'Brian, qui incarnait Riff Raff dans The Rocky Horror Picture Show (1975, le film culte par excellente) et, comme s'il fallait le présenter, David Lynch et son mystérieux Eraserhead (1977), qui donne encore des maux de tête et des complexes d'infériorité aux critiques et aux historiens du cinéma.

Ce documentaire statique, apparemment conçu pour les chaînes culturelles de la télévision, n'apprendra que très peu de choses au public à qui il s'adresse pourtant. Le grand mérite de Midnight Movie est de rappeler que le cinéma était aussi, et surtout, une expérience collective; qu'un véritable film culte a besoin d'apôtres et d'une église. À la limite, on dira que Midnight Movie est un brûlot contre le «cinéma maison». Il n'y a rien de plus triste que de regarder The Rocky Horror Picture Show ou Pink Flamingos seul dans un sous-sol, comme il n'y a rien de plus triste que de prier dans un coin.

Midnight Movies (...)Documentaire de Stuart Samuels. Avec George A. Romero, John Waters, David Lynch.

Six films, six auteurs qui ont donné un sens à l'expression «film culte».

Documentaire « militant «, statique et de facture télévisuelle, qui n'apprendra rien à l'amateur mais qui le confortera dans ses convictions en faveur d'un cinéma libre et libéré.

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