Phyllis Bronfman Lambert a réalisé de grandes choses. Impossible de faire autrement quand on s'appelle Bronfman à Montréal. Mais justement, le haut fait d'armes de la verte octogénaire est d'avoir réussi envers et contre tous. Elle ne doit rien à son papa dominateur, le puissant et richissime Sam Bronfman.

Ce n'est d'ailleurs qu'à la mort du paternel homme d'affaires, au début des années 70, qu'elle revient pour de bon à Montréal. Elle y entreprend sa deuxième vie après 10 ans au cabinet d'architecture de Mies van der Rohe, son mentor, à Chicago. Cette collaboration fructueuse aura donné, entre autres, le Seagram Building de New York, le Toronto-Dominion Center à Toronto et le Centre Saydie-Bronfman à Montréal, dédié à sa mère.

Le documentaire s'attarde également à dévoiler la pasionaria de l'architecture d'une manière beaucoup plus intime. Sérieuse, voire sévère, mais aussi ludique, coquette ou carrément espiègle.

Le style vif et branché qu'adopte la cinéaste Teri Wehn-Damisch empêche ce portrait tout en nuances de sombrer dans l'austérité que pourrait représenter le sujet. La réalisatrice se permet d'emprunter avec brio à Orson Welles et Carl Dreyer des techniques qui ont fait la gloire de leurs films respectifs, Citizen Kane et La passion de Jeanne d'Arc, jouée en 1928 par Renée Falconetti, dont certains faciès font d'ailleurs penser à Mme Lambert.

Depuis 40 ans, notre Jeanne d'ARChitecture aura été une figure dominante de Montréal. À la base de la création d'Héritage Montréal et du CCA, toujours impatiente, elle a lutté toutes griffes dehors pour sauver la ville des promoteurs-destructeurs en photographiant et restaurant ce qui tenait encore debout.

Le documentaire évoque également en filigrane l'ambiguïté au centre de la vie de cette combattante pour l'art et les idées qui, afin de nourrir la foi et fracasser les murs de l'indifférence, n'a eu guère de choix que de laisser l'humilité au vestiaire.

Habitué des films sur l'art, et du festival du même nom à Montréal, Teri Wehn-Damisch n'avait d'autre choix, également, que de consacrer l'esprit libre de Phyllis Bronfman Lambert, de tête et de coeur, l'une de nos grandes artistes.

En raison de la multiplicité des points de vue, du style inventif et du contenu informatif, ce documentaire numérique conçu pour la télévision, 52 minutes, supportera très bien le passage au grand écran.

Citizen Lambert...Documentaire de Teri Wehn-Damisch.

Portrait de Phyllis Bronfman Lambert, l'architecte, la militante, la mécène, la fondatrice du Centre canadien d'architecture (CCA) et, surtout, l'artiste, comme affirme être l'indomptable intéressée.

Une réalisation inventive avec un sujet qui aurait pu être austère, étant donné la protagoniste et son champ d'action, l'architecture.

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